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La conscience et l’espace

Nous avons vu dans l’article précédent, sur le temps et le mouvement, que le rapport que ces derniers entretiennent entraine la manifestation d’une présence, dont l’intégration pour un soi ou pour une réponse à un environnement ne peut se faire que par des informations. En effet, la fabrication d’une information n’est que le résultat d’un rapport entre un flux de données ressenties par soi, et un flux de données perçues par des codes d’interprétation liés aux expériences du passé. Ce qui en résulte cède au choix individuel de privilégier l’intérêt supérieur de soi-même, auquel cas un nouvel état de conscience apparait, ou d’obéir au choix personnel d’un intérêt de l’environnement, et une action peut alors en être décidée. Ce qui nourrit la nature d’une information se voit donc offrir deux possibilités : la première d’être un état de conscience, la deuxième d’être une quantité de mouvement prélevée dans l’environnement. Il existe donc bien un rapport entre la conscience, au sens d’un principe conscient, et l’espace, au sens d’un champ de manifestation de ce qui peut apparaître comme la conséquence de l’intégration d’une information.

Ce qui doit apparaitre comme une conséquence de l’intégration de l’information est donc une présence. Mais celle-ci est-elle en dehors de soi ou constitutive de soi ? Répondre à cette question donne un aperçu de ce qu’est la nature de la dualité physique, entre un corps constitué et les différents objets constitutifs de l’environnement d’un être vivant. La présence d’une entité qui serait le produit d’un espace environnemental, ou le produit d’un espace constitutif d’un corps de soi-même, ne dépend que des valeurs utilisées par la perception. Celle-ci peut aussi bien pencher vers la reconnaissance des données issues d’un fonctionnement vital d’un corps, comme elle peut pencher vers la reconnaissance des données issues d’un fonctionnement d’une réalité environnementale. Qui préside donc à un tel choix ? L’intelligibilité autonome du contexte d’interaction entre un être et son environnement. Que veut dire « une intelligibilité autonome d’un contexte » ? La capacité d’une situation à faire sens d’un différentiel existant, entre un état conscient de celui qui vit une situation particulière et un état compréhensible de ce contexte situationnel.

C’est donc bien la vie qui préside à l’événement produit par la mise en situation d’un être, dont le choix résulte d’une concordance de valeurs adaptées à l’analyse de la situation. De là l’orientation du choix dans le sens d’un développement conscient de soi, ou dans le sens d’une personnalisation dans une action sur l’environnement. Ainsi, ce que montre cette réflexion, c’est qu’une présence n’est pas l’instance spontanée du temps, et que celui-ci ne fait qu’entériner les instants d’une situation. Ce qui le rapproche sans l’atteindre de l’espace, mais fait de celui-ci le récipiendaire d’un temps se comptant comme sommation des instants. La conclusion temporaire de cet argument est que la vie ne peut être circonscrite à la seule individualité de l’être vivant, mais doit impérativement être perçue comme un continuum, un champ de mise en situation, qui puisse permettre la constitution d’individualités dont la nature ne peut être que de deux formes possibles : un état de conscience ou un état d’inconscience.

Pour développer d’une façon plus exhaustive le rapport entre la conscience et l’espace, nous allons introduire le concept de mémoire absolue. Pour cela, nous devons adopter le principe d’une conscience partagée par l’agrégation de ses états, dont chaque récipiendaire représente une catégorie de l’esprit comme événement causal, responsable d’une perception phénoménologique. Si le phénomène est bien à l’origine d’une perception possible, c’est parce qu’il occasionne un signal vivant par l’émotion, qu’il participe à créer inconsciemment dans le corps constitué d’un être vivant. Pourquoi avons-nous écrit « inconsciemment” ? Parce que la vie ne peut être conçue que par un transfert en temps réel de ce qui fait la matière consciente de l’être inconscient vers l’interprétation de ce qui fait une réalité phénoménologique de l’environnement. À ce titre, l’environnement n’a d’autre choixnque de transférer les moyens énergétiques de ce qui deviendra une information consciente d’un être vivant. L’émotion est donc le seul moyen d’un être vivant à considérer son corps en vie comme une mémoire absolue de lui-même et de son environnement, mémoire occultée par l’inconscience de ses états corporels. Le sentiment est bien la matière de soi, seulement connaissable par la mise en situation d’un sujet introjectant sa propre nature de soi.

Que nous faut-il comprendre de cela ? Qu’en chacun de nous existe un soi profond et intégral, et que celui-ci se nourrit d’une psychologie évolutionnaire. Qu’à l’instar du traitement des pathologies qui sont de natures virtuelles, mais bien réelles pour celui qui les éprouve, le terrain de la vie est tout, et le facteur pathologique n’est rien. Ce que l’on sous-entend ici, c’est que le mécanisme de l’information est le seul mécanisme salvateur d’une restauration de l’équilibre entre la vie individuelle et la vie environnementale. La transmission générationnelle porte en elle des biais biologiques de configuration vitale, dont il est possible de se corriger grâce à une intégration consciente des connaissances actualisées. N’oublions pas que, dans cette vision, la vie est un champ, un continuum d’échanges, qui peut prendre autant de formes qu’il y a de possibilité de les identifier. Un fonctionnement humain, sous la forme d’une vie naturelle, est une énergie d’expériences confinées en soi. Ainsi les fantasmes, comme réalité virtuelle de l’esprit, seraient les contreparties environnementales d’un processus d’individuation de la conscience.

Le grand écueil qui peut apparaître, pour un esprit à la conquête de soi, est la possibilité de vouloir faire surgir un rapport à la Nature qui ne soit que la projection d’un fantasme de sa psychologie. Il ne peut y avoir un rapport entre l’humain et la Nature vue comme entité, car l’humain est déjà la propriété naturelle d’une conscience de soi, comme chaque chose de l’existence peut être amenée à le vivre. Ainsi, par cette réalisation individuelle que personnifie un esprit à la conquête de soi, l’invisible de ce qui est devient visible quand ce qui était visible devient invisible. Ce changement dimensionnel apporte et explique la dualité existentielle entre l’ignorance et la connaissance, ce qui de facto donne une réalité indépendante au cours du temps. Cela permet de préciser ce qui est de l’ordre d’un passé, d’un présent et d’un futur. À la charge d’une présence que de pouvoir être définie par l’esprit comme appartenant au passé, au présent ou au futur. C’est donc ainsi que par l’émotion psychologiquement ressentie d’une présence, elle-même liée à la configuration d’une situation, un état de conscience peut naître de l’information de celle-ci. Ce processus place l’esprit dans la reconnaissance d’un soi, dont la constitution appartient au passé, au présent ou au futur, tout en dessinant les contours d’un espace. Celui-ci n’est autre que la somme des distances entre des événements qui, eux-mêmes, catégorisent une réalité de vie en la situant dans un passé, dans un présent ou dans un futur.

Ainsi fonctionne l’émergence de soi, comme un moyen conscient de l’approfondissement d »une réalité de vie, sous la forme d’une délivrance par une intelligence commune. Une mémoire absolue prend alors tout son sens, celui de la réappropriation d’un lieu, celui-là même qui procure œuvre de vie : l’intelligence universelle. Comment une telle chose peut-elle être possible ? Par l’interjection des éléments constitutifs de cet univers dont le résultat fait mémoire. Par cette intermédiation, une reconnaissance de toutes les entités universelles est possible, quelles que soient leurs dimensions et leurs apparences. L’Univers ne comportant pas d’ordre en soi, puisqu’il est indécidable d’en connaître ses limites, il est donc constitutif d’une potentialité phénoménologique quasiment infini. Un esprit ne peut se concevoir comme processus d’individuation que dès lors qu’il s’appuie sur des états de conscience pour se développer. Il faut donc qu’il puisse trouver les moyens de choisir entre ce qui participe à son développement et ce qui lui procure une distance nécessaire à la reconnaissance de son unité. Une conscience doit donc participer au processus d’individuation par le fait même de la vie.

Les conditions sont donc réunies pour l’émergence spontanée d’une structure récipiendaire de ces choix : un code conscient des agrégations d’états de conscience. Nous reconnaissons ici l’équivalence d’une structure génétique, support d’une généalogie transgénérationnelle tel qu’un ADN spécique (caractéristique d’une espèce) peut en représenter une manifestation physique. Ainsi, pour qu’un esprit trouve les moyens de ne pas être gêné dans la conquête d’un inconscient universel, il doit donc pouvoir développer un corps fonctionnel apte à pouvoir transformer toute situation, en configuration porteuse des choix d’information d’un soi. Celui-ci en devient alors une propriété psychique sous la forme d’un esprit, dont les états de conscience favorisent une individuation de type humain, aux dépens d’un environnement désordonné. La dualité fondamentale entre l’ignorance et la connaissance se trouve ainsi être transposée dans une réalité individuelle, sous la forme duale d’un esprit de conscience doué d’un corps d’inconscience universelle. La connaissance de soi devient ainsi le cheminement naturel d’une vie individuelle vers la réalisation d’une mémoire universelle.

En conclusion, la conscience établit un rapport avec l’espace au travers du processus d’individuation d’un corps de vie, dont l’ignorance est à la charge d’un développement par l’esprit d’une connaissance de soi. Celle-ci opère par l’émergence d’états de conscience, dont la constitution se fait grâce aux outils de l’information produite par la mise en situation d’un corps inconscient de lui-même. Cette situation n’est possible que par une ignorance de l’esprit face aux multiples aspects d’une intelligence de l’environnement. L’ignorance est donc bien le stimulant d’un développement d’une connaissance de soi par l’esprit, ceci grâce à l’instrument de la conscience, qui interjette par la création d’une information le sens d’une réalité environnementale. Ainsi celle-ci révèle l’intelligence de la nature de soi. La distance, propriété inaltérable de l’espace, émerge dans l’esprit au travers des catégories que se fait celui-ci des différents éléments reconnaissables de l’univers de vie. Un espace peut ainsi se constituer au sein d’un processus d’individuation, en révélant une conscience dont le rythme d’acquisition de ses états en définit progressivement la constitution temporelle. C’est pour cela que l’on écrit que la conscience et individualisée et centrée au sein d’un univers de vie, dont l’unité en partage l’esprit sous la forme d’une intelligence fonctionnelle reproductible.