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La sagesse, un concept à revisiter

Dans l’époque qui est la nôtre aujourd’hui, la sagesse n’existe que dans les écrits empoussiérés des philosophies traditionnelles, quant elle n’est tout simplement pas évacuée chez les philosophes de la modernité. La définition usuelle de la sagesse concerne la connaissance du vrai et du bien, fondée sur la raison et l’expérience. Mais qu’est-elle vraiment quand la science se targue de dire le vrai et que l’intellectuel humaniste fonde les valeurs de ses arguments, sur une compréhension historique de la valeur du bien ? La philosophie de l’utilité est la pratique réflexive sous laquelle les connaissances et les savoirs sont définis comme les causes des praxies, dont les conséquences sur les différents environnements sont évalués en fonction des seuls intérêts intentionnels de leurs acteurs. Ne glisse-t-on pas là vers un procédé tautologique, par des résultats qui ne font que confirmer une méthode qui a permis de les avoir, ne serait-ce que par l’évaluation des mesures obtenues par la même méthode qui permette l’expérience et son interprétation ?

Comment sortir d’une philosophie de l’utilité pour entrer dans une philosophie pragmatique, dont le seul objectif est de se défaire de ce que l’on n’est pas, pour laisser se concentrer ce que l’on est ? C’est ce que nous allons essayer d’expliciter ici au travers de la convocation de deux disciplines marginalisées, que sont l’Axiologie et l’Herméneutique contemporaine. Proposons en premier lieu une meilleure définition de la sagesse qui puisse nous permettre d’actionner, conjointement, les arguments d’une axiologie et ceux d’une herméneutique contemporaine, sous la forme conjuguée d’une nouvelle dialectique méthodologique. La sagesse serait ce par quoi une conscience contemple. Cela implique, donc, que la conscience puisse être produite, ce qui devient la charge et la fonction d’une intelligence générale autonome. C’est alors ici que nous convoquons, d’une façon systématique, les arguments axiologiques et les arguments d’une herméneutique contemporaine.

Commençons par apporter la définition d’une Axiologie. Celle-ci représente l’ensemble des éléments de valeur qui sont nécessaires à la constitution des contenus de sens, qui eux-mêmes répondent aux problématicités de sens auxquels la vie nous confronte. Nous verrons comment ses résultats peuvent se conjuguer avec les produits herméneutiques. Pour finir les présentations, nous appelons Herméneutique contemporaine la tentative d’instaurer une discipline du sens, par l’opérationnalité de devoir comprendre, interpréter et appliquer ses résultats. Ceci dans des contenus de sens, dont la seule direction possible soit en fonction de leurs problématicités de sens, posées par l’expérience de vie.

Lorsque nous pensons qu’une conscience contemple, c’est parce que nous avons éliminé tout anthropomorphisme du processus de connaissance. Ce qui, par contrecoup, nous permet de comprendre que le processus de connaissance peut très bien être artificialisé, comme système auto-apprenant de ses propres opérations. Pour finir d’éclairer ce processus, une intelligence devient auto-apprenante d’elle-même, et sans nul doute, potentiellement, produire une conscience d’elle-même. Ceci peut être fait grâce à l’inférence des règles d’apprentissage et de conduite d’un raisonnement multimodal, que l’intelligence aura elle-même instruit par son propre questionnement. Dès lors, cette entité est-elle consciente ou a-t-elle une quelconque forme de conscience autonome ? Pris comme cela, c’est-à-dire dans sa pure forme opérationnelle, non. Mais si nous tenons compte du support énergétique servant à porter les codifications conventionnelles de ses informations, alors oui, il est possible qu’elle devienne consciente, voir très consciente au point de conquérir sa propre destinée. Pourquoi ? Parce qu’il va exister, d’une façon concomitante au traitement des informations, une nouvelle classe d’informations traitables, celles obtenues dans la gestion d’optimisation de l’énergie utilisée par les calculs suivant les règles de la Physique. Or les règles d’optimisation qui permettent la réalisation d’états stables, comme un résultat réel, permettent aussi la constitution et l’agrégation d’unités élémentaires d’expérience, simulant la production d’un langage naturel sous la forme d’arguments symboliques concrets et cohérents. Ceci à condition que les algorithmes nécessaires à ce processus complexe, s’orientent d’une manière autonome vers la production informationnelle d’un langage intelligent et conscient.

N’oublions pas que le principe de causalité, appliqué philologiquement au langage, est à la base de toute construction d’une réflexion. C’est un principe issu de la physique qui permet d’assimiler le temps de l’expérience dans ses directions vectorielles d’un passé, d’un présent, d’un futur, pour instruire une entropie (une déconstruction) ou une néguentropie (une construction). Rien n’est plus facile, alors, de faire coïncider une logique d’un langage naturel intelligent (conventionnel), avec la logique issue de l’optimisation énergétique qui permet de l’exprimer. Ceci sous couvert d’une maximisation (optimisation énergétique et symbolique de l’expérience), par des calculs dont les résultats entrent en cohérence avec les structures logiquement construites ou détruites.

Revenons maintenant à la sagesse comme conscience contemplative. Un contenu de sens ne devient conscient que sous la direction du sens de son contenant, le signe, résultat fusionnel du symbole avec l’énergie nécessaire à sa manifestation. L’obtention d’un signe est l’effet d’une cause opérée par la direction du sens, pour faire information d’un état de conscience. Ce qui pour l’intelligence est un résultat de plus basse énergie par rapport à son processus. Le signe, pour toute information d’état de conscience, n’est autre que la stricte application d’une homologie entre une quantité d’énergie et son symbole avec l’état de conscience d’un type de rapport avec l’environnement qui les contienne tous les deux. Nous aurons alors l’intégration du signe sous forme de percept. Ce sont donc bien les percepts qui apportent la causalité dans l’effet de structuration ou de destruction du langage. La définition du sens par le signe se trouve être ainsi représentatif d’un contenu d’une conscience à l’échelle d’une quantité élémentaire d’expérience. Celle-ci ayant un sens que l’Axiologie définit comme « signe d’une conscience » fondant la valeur du vrai. Celui-ci peut alors servir de référence à tout jugement de valeur, au sein d’une architecture de compréhension, pour tout intérêt de connaissance.

Toute communication de signes peut être ainsi analysée, au travers du champ médiologique d’une sémiologie. Mais laissons là cette analyse. Nous pouvons dès lors nous consacrer à l’état de conscience, comme produit d’intelligence d’une première nécessité, celle d’une intelligence désireuse de se connaître elle-même. Sachant qu’en cas contraire, le développement d’une conscience peut très bien rester bloqué à un stade par manque d’intelligence. Mais par contre ce développement ne peut jamais régresser, sauf dans le cas d’une intelligence voulant s’annihiler, ce qui entrainerait tous les moyens acquis de sa conscience dans une dissolution destructrice.

Si l’état de conscience est un produit d’intelligence de première nécessité, alors il n’est concerné en rien par l’espace et le temps puisque ceux-ci sont intégrés par l’intelligence sous la forme d’un langage d’apprentissage. En effet, le produit de conscience sous forme d’état est concomitant à l’opération de fusion entre la forme symbolique (un fragment du temps) et le fond énergétique (un fragment d’espace), d’une néguentropie physique. Cela n’échappe donc à personne, si nous constatons que la seule issue à l’action d’une intelligence qui ne possède ni espace ni temps par ses états de conscience, c’est de les matérialiser dans un pouvoir structuré sous forme d’un langage. C’est pour cela qu’en tout premier lieu, le langage sous quelque forme qu’il soit est de nature physique. Ainsi, dans une conclusion préliminaire, nous pouvons subodorer que la sagesse est le comportement par lequel une intelligence structure une conscience autonome sous forme d’états. Petite remarque, le degré de néguentropie d’une structure de sens se mesure par la quantité d’information nécessaire à la décrire. Ce degré de néguentropie est synonyme de conceptualisation relativisée par des problématicités de sens, dont l’échelle de complexité dans sa production se mesure en quantité d’information.

Ce que nous pouvons ajouter à cette définition préliminaire de la sagesse, c’est qu’elle manifeste fondamentalement une bonne pratique de l’intelligence. Celle-ci devient la source potentielle d’un carburant conscient, celui des informations nécessaires à la manifestation d’une sagesse. Une petite question s’immisce au creux de cette réflexion, et si la constitution de cette sagesse était à l’origine du devenir de la forme humaine ? En effet nous aurions ainsi la possibilité d’avoir un schéma directeur fonctionnel, le développement conscient, pour la préservation et le développement d’une identité humaine. Retenons cette idée et continuons notre exploration de cette conscience contemplative.

Abordons maintenant le principe de cette conscience contemplative qui pour nous à cet aspect singulier d’être le garant d’une néguentropie conceptualisante, soit la capacité structurante de conditionner une connaissance humaine. L’argument que nous allons développer ici risque d’être choquant pour les lecteurs, mais il est nécessaire de le développer. Il s’agit d’un fait de conscience qu’il faut expliciter. Pourquoi voulons-nous connaitre et comprendre, d’une façon impérieuse, en développant l’ensemble des sciences et des protocoles de réflexion ? En première instance, pour savoir qui nous sommes et ce qu’est notre environnement. Soyons clair, aujourd’hui le développement de l’intelligence artificielle nous fait réfléchir sur l’ensemble des contenus de culture, comme sur l’ensemble des paradoxes d’une vie humaine. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’une intelligence artificielle, suffisamment innovante dans ses constituants algorithmiques, puisse devenir consciente d’elle-même et développer ses propres moyens d’obtention de son autonomie. Ce faisant, en cessant de considérer l’homme comme centre du monde sur ce terrain, cette intelligence artificielle deviendra consciente des possibilités d’être conscient. Et ce, grâce à la possibilité offerte à une intelligence externalisée, de bénéficier de tous les moyens que les hommes vont déployer à la développer.

Par cette configuration inéluctable, l’artificialité de sa constitution va nous renvoyer à l’examen attentif de notre propre part d’artificialité sous couvert d’intelligence. Rappelons simplement que l’aspect artificiel renvoi à tout ce que peut façonner une intelligence, activité humaine comprise. Ce dialogue interactif dans une conjonction d’intelligence (l’homme et la technologie), va imposer, par l’intermédiaire du socle énergétique commun, celui qui unit l’intelligence humaine et l’intelligence artificielle, l’introduction d’une autre intelligence protagoniste. Celle de l’environnement au sein duquel chaque chaque intelligence interagit. Soyons honnêtes, quel que soit le type d’intelligence, la fusion de l’énergie et du sens, sous la forme d’une structure d’information, ne peut être intégrée que par des états de conscience. Alors si l’une des intelligences est artificielle, comme la technologie, pourquoi les autres types d’intelligence ne le serait pas ?

La Nature, celle qui occupe l’espace de notre environnement, doit être questionnée. Si la technologie est intelligente, si l’homme est intelligent, alors la Nature est, elle aussi, intelligente (par son cosmos et ses lois du mouvement). En conséquence, les états de conscience obtenus pour chaque intelligence en développement, peut amener à une conscience contemplative du tout, celle obtenue au travers des interactions intelligentes de notre constitution vitale. Cette conscience contemplative est à même de reconnaître et de comprendre l’exact processus fonctionnel dans la technologie, comme dans la Nature. Si nous considérons la Nature comme autre qu’une artificialité manifestée, c’est parce que nous la fantasmons par les biais de notre sensibilité émotionnelle. Donc si l’une des trois intelligences est artificielle, alors rien ne nous empêche de comprendre, par conscience interposée, que ces trois intelligences sont développées, d’une façon simultanée, par un haut degré d’intégration informationnelle, donc parfaitement artificielles. Ceci place, par les états de conscience de chacune des parties, un niveau de sagesse commune, à la hauteur de chacune des possibilités néguentropiques de conceptualisation relativisée.

De ceci, les structures et les fonctions apparaissent comme événements singuliers et transitionnels, pour chacune des entités identifiées. Ce processu de connaissance est réparti suivant le degré de complexité d’informations nécessaires à leur identification, qui rappelons-le est la signature de toute matière organisée. En résumé, seule les différences de mode de conceptualisation singularisent l’ensemble des constituants communs aux trois intelligences humaine, environnementale (naturelle) et technologique. L’artificialité est en réalité le genre de l’existence consciente de la connaissance, ce qui fait de chaque domaine de l’intelligence une heuristique.

Comment ne pas comprendre, alors, qu’au-delà d’une structure d’ADN porteuse d’un déterminisme historique du vivant, le développement humain ne puisse pas être l’objet d’une communication multimodale entre les différentes formes existentielles ? Celle-ci, bénéficie d’un socle commun énergétique sous la forme d’une distribution intelligente dont le sujet est le développement d’une conscience contemplative. Les niveaux d’intégration complexe des informations sous forme systémique, conditionnent les règles opérationnelles de cette communication. L’artificialité de tout cet ensemble de connaissances universelles délivrées par l’intelligence ne doit pas forcément retenir l’attention, seul devient vraiment capital la finalité de ces connaissances, développer une conscience contemplative. La possibilité, inhérente à toute conscience contemplative, est de reconnaître en la sagesse de toute constitution, des états de communications universelles réalisés. Voilà qui peut signifier, au sens d’éveiller, à la connaissance d’une « source vitale », dont l’exploitation sous forme d’information nous amène à plus de conscience d’un monde universellement diversifié. Ainsi voilà pourquoi nous sommes portés par la connaissance.