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La science est incompatible avec le constat de conscience

Chaque être humain est conscient d’un minimum de sa vie, mais personne ne peut aujourd’hui penser avec certitude que la conscience ne se manifeste pas sous d’autre forme que celle rendue accessible par la formation de l’être humain. La science est un domaine émergent des possibilités de logique et de cohérence d’un esprit, objet de réflexion d’une réalité, dont une personne récipiendaire des conséquences comportementales d’un corps dans un environnement peut en appréhender un certain nombre de subtilités. Nous dirons alors que cette confrontation au réel obéit à des règles d’un jeu de la vie, lorsque la pérennité d’un corps et de son esprit n’est pas mise en danger par le résultat des décisions d’action personnelle. L’observation de cette manifestation existentielle atteint son plus haut degré d’intégration lorsque l’esprit se voit doté d’une méthodologie réflexive, dont les cañons fonctionnels sont issus d’une pratique scientifique. Ce réductionnisme méthodologique entre en contradiction avec l’existence même d’un libre-arbitre individuel, par le potentiel de calculabilité d’un traitement d’informations à l’origine des actions de l’esprit dont les stratégies comportementales s’inspirent.

Le succès de cette entreprise scientifique dans l’énonciation d’une réalité empirique, sur laquelle nous entrainons une évolution du progrès humain, est incontestable, mais néanmoins destructeur de la potentialité de l’être humain à devenir conscient par lui-même. En voici la raison telle que nous pensons qu’il serait raisonnable d’en vouloir tenir compte: l’existence d’une irrémédiable responsabilité dont chaque personne humaine manifeste la propriété par sa vie. Le libre-arbitre est la seule condition d’individualisation de la conscience humaine. Voyons comment nous pouvons contraindre la science à respecter ses limites, sans pour autant en dévaloriser ses apports, et comprenons enfin ce qui relève de la stricte responsabilité humaine.

Commençons par la science, la méthodologie scientifique est simple à comprendre quand ses instruments sont plus ardus à appréhender. La science est une doctrine qui a ses propres règles de fonctionnement dont la pérennité est assurée par le jugement rétrospectif de ses pairs. Sur ce plan n’est-il pas un peu incestueux d’être juge et partie dans une affaire dont les résultats impactent l’ensemble des êtres humains, scientifiques compris ? Même s’il s’agit de faire respecter une méthodologie, il n’en demeure pas moins que nul n’est à l’abri de l’introduction involontaire de biais cognitifs, à tout au moins une large difficulté à reconnaître les possibilités d’une évolution des critères de scientificité ? Question aujourd’hui laissée sans réponse. Mais revenons à la pratique de la science elle-même. Le modèle empirique à l’origine des hypothèses d’une observation permet d’en imaginer des conditions de réalité pour en obtenir des mesures, venant confirmer ou infirmer ces mêmes hypothèses de départ. C’est ainsi que pourront voir le jour des faits scientifiquement prouvés, qui peuvent alors servir à distinguer le vrai du faux, sous-entendu la vraie interprétation d’un phénomène face à sa fausse interprétation. Peuvent ainsi arriver sur le territoire de la conscience tout un ensemble de faits, saisi par l’ensemble des disciplines scientifiques qui ont vite fait de saturer un panorama de perceptions, rendant ainsi toute réalité future de plus en plus prévisible. Ceci a un nom: la prédictibilité. Toutefois certains domaines de la science s’éloignent fortement de cette conséquence logique, par exemple la cosmologie dont les théories n’ont plus grand-chose à voir avec la science si ce n’est l’utilisation des formalismes mathématiques logiques et cohérents, mais sans possibilité de mesure puisqu’inobservables.

La science entretient une confusion entre faire du vrai et dire du vrai. Lorsqu’en physique quantique nous proposons des probabilités d’observation d’une présence pour des mesures, disons-nous le vrai de quelque chose ou fabriquons-nous quelque chose ? Que cela soit dans l’infiniment petit ou l’infiniment grand, savons-nous faire la différence entre ce que nous projetons par le biais de nos outils sophistiqués, pour des probabilités de ce que nous pouvons observer, et l’existence de constituants réels d’un environnement dont peut-être la réalité n’est perçue que lors de l’absence de toute projection ? À l’évidence la science répond négativement et c’est pour cela qu’elle oblige à la conceptualisation de modèles dont on formulera les hypothèses d’observation. Il ne s’agit pas ici de juger la science mais seulement d’en faire voir ses limites, pour ne pas empêcher la connaissance de passer par des canaux différents de celle-ci.

Revenons au libre-arbitre et à la responsabilité individuelle. Nous allons prendre l’exemple de l’argumentation scientifique en défaveur de l’existence d’un libre-arbitre, puis nous verrons comment il est possible de comprendre l’existence du libre-arbitre comme le fait conscient d’une non-science. En premier lieu il faut bien comprendre que ce que nous mesurons aujourd’hui au travers des résultats de probabilités de présence n’est que des quantités obtenues par l’application de règles analogiques qui font correspondre des quantités de mesure avec des étalons de mesure acceptés par pures conventions. Ce qui est rendu certain ne l’est absolument pas, ou seulement en regard de leurs étalonnages, même si les comportements observés correspondent aux résultats de ces mesures. Ce ne sont que des perceptions fabriquées par ce que nos capacités d’interprétation peuvent déduire des cadres méthodologiques qui nous permettent d’accepter ce qui est réel de ce qui ne l’est pas.

Pour exemple, si nous constatons une inflation cosmologique c’est parce que nous observons un décalage vers le rouge d’un effet Doppler pour une vitesse d’expansion de l’Univers. Mais cela n’est rendu possible qui si nous acceptons un début à l’Univers, ce qui par la même nous permet d’inférer, en tout temps et en tout espace, la possibilité d’un calcul nous offrant ainsi la réponse d’une prévision future, sous-tendue par un déterminisme profond à l’origine de la possibilité calculatoire d’une prévision à partir d’un présent. De fait par bouclage d’une connaissance observable, l’Univers et ses constituants, il est possible de définir l’ensemble théorique de tous les constituants d’un espace-temps présent, ce qui permet la prédiction d’un comportement futur de cet Univers. C’est l’argument majeur contre l’existence d’un libre-arbitre individuel, puisque l’être humain fait partie de cet univers et que ses comportements peuvent être calculés en regard de la connaissance que nous avons de la constitution humaine. Mais est-ce recevable en conscience ? Non pour plusieurs raisons.

La première, et la plus évidente, est que le fait de l’observation d’une inflation cosmologique au présent ne dépend que du parti pris d’une origine à l’Univers. Pour qu’une inflation existe au présent, il faut un différentiel de mesures entre le début d’une observation et sa fin. Nonobstant les propriétés de cette inflation, le fait d’un présent n’est ontologiquement pas acceptable pour cette observation, puisque si nous observons, nous sortons de l’instant conscient pour un temps déterminé par la durée de l’observation. Si nous constituons l’espace-temps d’une observation, alors ce que rend les mesures de cette observation ne correspond qu’aux propriétés de cet espace-temps, et non aux propriétés de l’observation ou des instants à l’origine de l’espace-temps de l’observation. C’est l’instrumentation théorique et pratique qui est en jeu ici et non la conscience d’un observateur, qui cède sa place à l’aspect pratique d’une discipline qui rend compte de l’ordre d’une science, aussi bien pour sa méthodologie que pour ses éventuels résultats.

La deuxième raison concerne ce que nous appelons le présent. Celui-ci est constitué de la somme des instants que nous allouons à l’acte d’une observation. Qu’est-ce qu’un instant ? Un fragment consubstantiel d’une conscience dont l’acte par l’instant définit la forme même de cette conscience. Or la forme de cette conscience ne dépend que de la disponibilité d’un esprit à prendre pour information les données qu’une mémoire lui présente comme matière contextuelle d’une conscience. C’est donc d’une présence à soi dont il est question ici, le soi de l’être humain qui s’engage dans l’observation d’un objet à l’extérieur d’une présence consciente. La qualité du soi de l’observateur devient donc responsable de la quantité de disponibilité de l’esprit à intégrer les règles d’application d’une pratique scientifique, pour la conception des résultats qui sont permis par les prérogatives de cette pratique. La seule conscience que peut avoir un observateur est celle de sa capacité à pouvoir appliquer une démarche scientifique intègre pour l’observation d’un objet considéré en dehors de toute présence consciente.
 
La science n’est donc qu’un jeu de l’esprit comme toutes les autres disciplines, soumise à des règles de logique et de cohérence dont l’application rend compte de résultat concrets. Ces résultats peuvent faire l’objet de réalisations bien réelles, mais en aucun cas elles ne peuvent permettre de dire quoi que ce soit sur une réalité issue d’une conscience humaine, sauf à en produire des simulations. Le comportement scientifique n’est pas pertinent pour distinguer le vrai du faux de l’existence humaine. Par contre il est très utile pour la conception d’outils permettant la délivrance d’une liberté d’approche de l’expérience humaine, par un esprit voulant aborder le contenu d’une conscience humaine. Mais alors quid des lois de la Nature à l’ombre desquelles nous concevons et reproduisons ce que nous savons des fonctionnements naturels ? Comme nous l’avons déjà exprimé plus avant, il ne faut pas confondre simulation et réalité. Nous pouvons simuler une réalité, voir des réalités, mais aucune simulation ne pourra nous donner d’indice sur la validité d’une quelconque connaissance sur la réalité elle-même, et c’est ce qui fait l’atout majeur de l’existence d’une conscience.

La conscience humaine est une conscience par devers soi, c’est-à-dire qui utilise l’existence de soi, pour rendre intelligible le principe d’individualisation d’une conscience. C’est par l’expérience de soi qu’un esprit personnel sort d’une inconscience de soi, dont l’histoire existentielle a permis la genèse vivante d’une identité humaine. C’est de la responsabilité de chaque être humain que de se servir de soi pour oser prendre le risque de participer à l’histoire existentielle du monde. Il ressort de cet engagement une conscience individualisée et centrée en un autre que soi qui fait la connaissance à laquelle cette conscience se destine. Ce qui nous rend conscient est bien la possibilité qui nous est offerte par l’inconscience native de notre corps à produire l’esprit, dont les outils font d’un fonctionnement humain l’instrument de nos prises de conscience. Soyons assurés que la science, comme toute pratique relevant d’une intelligence comportementale applicable pour chaque mode vie, en représente des outils souhaitables mais non strictement nécessaire à la conquête consciente, par l’esprit, d’une réalité hors d’atteinte si nous nous cantonnons à l’inconscience de nos comportements.