Si l’on considère les sens humains comme producteurs d’une information sur la réalité extérieure à soi, c’est parce qu’ils nous procurent des conditions fonctionnelles, pour de futures expériences à vivre en son sein. L’hypothèse d’une conscience devient réalité, par l’implication médiatique d’un cerveau à traiter ces informations. Il projette ainsi en lui-même des chiffres, des nombres et des lettres, ainsi que leurs règles d’utilisation à l’intérieur de l’homme, ce qui induit la réalité d’une conscience intérieure agissant dans l’intimité d’un environnement extérieur. Maintenant, tout le monde sait que les Mathématiques sont une science formelle, dont l’art est de formuler des rapports entre des unités identifiées, regroupant ainsi les sciences qui ont pour objet la quantité et l’ordre. Mais ce que peu de gens savent, c’est qu’il existe un lien entre les chiffres et les lettres, pratique ancienne d’une discipline, dont l’histoire retient le nom de Gématrie. Pourquoi cela nous intéresse-t-il ? Parce que le lien qui est postulé ici, entre les chiffres et les lettres, est l’hypothèse modélisable d’un chainon manquant entre le corps et l’esprit, ce que nous allons essayer de comprendre ici.
Pourquoi avons-nous besoin d’information sur une réalité extérieure à soi ? L’usage nous donne comme réponse, que le fait de prendre des décisions nécessite de connaitre le contexte dans lequel ces actions s’appliquerons. Mais cet usage rend très mal compte de ce qui est en réalité. Ce que nous propose les huit sens humains, ce ne sont pas véritablement des informations sur une réalité extérieure à soi, mais plutôt sur une conscience qui rend compte d’un intérieur de soi. La sensibilité induite par cette conscience déclenche une réaction génétique, à l’origine d’un tableau des sens qui interpelle notre rapport à la réalité.
Il est nécessaire de revenir sur nos huit sens sensoriels, dont il faut ici en préciser la nature, pour ce qui en concerne le sens précis. Les cinq sens, que chacun connait, sont complétés par le sens intéroceptif (l’intérieur de l’organisme), le sens proprioceptif (qui n’est autre que la compréhension) et enfin le sens intuitif (pris autrement comme prise de conscience). Nous allons nous attarder sur ce dernier, le sens intuitif. En humanologie la conscience est vue comme l’instantané d’un rapport au monde et à soi. Nous avons un très bon exemple de ce phénomène dans la culture polynésienne, avec la notion de « Mana ». Claude Lévi-Strauss délivre une explication à cette fonction, par son utilisation qui permet de s’opposer à l’absence de signification, sans, toutefois, comporter par soi-même aucune signification particulière. L’intuition est cela, elle permet de combler l’écart entre le signifiant et le signifié traités par l’intelligence. L’intuition est bien un vide sémantique qui rend tout rapport au monde, central, dans l’instant.
Quel est donc ce rapport au monde, central dans l’instant, qu’une conscience nous offre par le sens intuitif qui la perçoit ? L’inclusion, un rapport d’inclusion, qui fait d’une conscience intime, celle d’un contexte, dans un environnement, une appropriation par soi-même. Ainsi, lorsque l’on prend conscience, c’est que littéralement, nous prenons une quantité de conscience de l’environnement, dont la valeur sémantique est absente, ce qui permet à nos gènes de la reconstituer au travers d’une expérience sensoriellement vécue. Le sens conscient perçoit une vérité centrale, mais une vérité relative au contexte qui l’a fait naître. Est-ce à dire qu’il pourrait exister une fausse conscience ? Oui, et c’est pour cela que la seule façon de discriminer une conscience, c’est de pouvoir la jauger à l’aune de son propre niveau de conscience, ce qui est rendu possible par un entendement de soi.
C’est ici que le jugement de valeur prend toute son importance, car il ne s’agit pas d’un problème de conscience, mais d’un problème d’éthique. Plus particulièrement d’Axiologie, où la définition de la valeur est affaire de soi-même. Ce par quoi nous prenons conscience d’un fait conscient, dans notre environnement, dépend d’une information disponible de soi qui rend sensible à toute requête de valeur. Celle-ci doit pouvoir s’accorder avec l’information objective, issue d’un contexte précis de cet environnement. Cela revient à dire que de la manière de poser une problématicité de sens dans le vécu, dépend la possibilité de prendre conscience, ou non, d’un fait extérieur à soi. Or, comment les problèmes se posent-ils à notre insu ? Par le défaut de sensibilité globale de nous-même envers un environnement de sens. Il y a donc, dans cette situation, un blocage, un blocage de sensibilité. La conséquence de celui-ci est d’éteindre l’expression génétique d’un organisme, au profit de réponses automatiques, ou du moins propres à des apprentissages antérieurs, que la pertinence du présent questionne.
Pour un être humain, ce qui rend une réponse humaine, c’est lorsqu’une problématique de sens interpelle. Les réponses comportementales qui en résultent doivent faire œuvre d’une liberté de vie plus grande qu’antérieurement. Appartenir à un environnement ne peut se faire qu’avec conscience, seule façon de conjoindre l’humanité qui est la sienne avec l’humanité qui la reçoit. La liberté de vie d’un seul, doit profiter à la liberté de tous pour qu’évolue l’humanité de tous. À l’inverse d’une innovation comportementale, une contrainte par corps s’exerce, ce qui renvoi chacun à une individualité de corps, dont le seul avantage est au profit d’un Moi psychologique de chacun, vecteur de perpétuelles insatisfactions.
Nous avons vu précédemment, que par l’inconscience des actions et des comportements, il devenait nécessaire, pour l’existence d’une conscience humaine, de produire du savoir. Celui-ci ne peut survenir que par l’intermédiaire d’un langage, lui-même initié par les percepts d’une intuition. Pour l’être humain, la conscience humaine n’est pas la fin du voyage, car le développement de conscience continue dans une compréhension plus juste du corps et de l’esprit. La conscience humaine contribue à les faire apparaitre, et leur conjugaison donne lieu au fonctionnement physiologique d’un organisme. C’est cette conjugaison qui est médiatrice d’information de soi et c’est elle qui se confronte aux différentes informations de l’environnement dans le processus de prise de conscience.
Sur l’échelle d’une progression consciente, l’introduction d’un nouveau statut de conscience d’être est le futur acteur d’une conscience d’action, libre de toute contrainte. La raison en est simple, la conscience d’être implique une priorité d’utilisation de l’inconscience personnelle, par la nécessité d’une conception intelligible de soi qu’impose le développement de conscience. Les facultés de conscience, obtenues par l’application d’un entendement humain, vont ainsi présider à la nature informationnelle d’un nouveau fonctionnement physique, le corps. Le vide sémantique de la conscience devient alors l’opportunité (le kairos, notion déjà traitée dans une précédente réflexion), d’une expression génétique d’un inconscient vital, avec comme condition, la sensibilité générée par les précédents savoirs.
L’expression génétique d’un inconscient vital n’est pas interprétable comme absence de sémantique. Le fonctionnement humain, par son entendement, doit être vu comme la manifestation d’une vie autonome, biophysique, d’un organisme face à la globalité d’un contexte. Cette vie autonome est mise en place et actualisée par une conscience centrale, elle-même initiée par l’organisation des pensées amenées par le désir d’être conscient. Le contexte de la vie autonome, devient le terrain de jeu pour l’ensemble des clés de l’expression génétique de ce qui va devenir un génome humain. Si l’ADN n’exprime que 5% d’un génome identifié, c’est parce que le reste de l’expression de l’ADN reste à débloquer. C’est tout l’enjeu d’un entendement humain, seulement bien compris par l’acceptation d’une évolution de la faculté de conscience. C’est dans ce cadre, qu’une humanologie a pour objet d’étude la conversion informationnelle du micro-mouvement vital, en fonctionnement organique d’un corps physique, restant à développer dans ses compétences. L’hypothèse centrale mise en place par l’humanologie est de pronostiquer l’avènement d’une âme micro-physique finalisant l’interprétation d’un corps stable dans le temps, l’homme. Mais malheureusement souvent oubliée, par une représentation à peine ébauchée qui manque de présence d’esprit.
Maintenant que nous avons donné un horizon à nos études humanologiques, nous revenons à la voie initiée par la Gématrie, celle de concevoir qu’un organisme vivant puisse être l’objet d’une géométrie mise en place par les savoirs sémantiques du langage. Un esprit aurait donc le pouvoir de réaliser, par les pensées émanant de l’intuition profonde, les conditions d’une intégration vitale et consciente des savoirs produits par l’environnement. Celui-ci est subodoré par l’instruction et la culture d’un esprit personnel, précédemment acquis lors des mises en situations antérieures. C’est ici que le chainon manquant entre le corps et l’esprit, suggère l’établissement de deux champs opératoires qui se conjuguent. Le champ cognitif biophysique et le champ naturel d’une sensibilité vitale au travers de leurs processus respectifs. Voyons à présent comment ces deux champs opératoires se combinent dans ce qui pointe vers la réalisation de l’âme centralisatrice et individualisée qu’est la conscience de l’homme.
Il nous faut préciser différentes choses avant de développer ce que nous avons à expliciter. Si le cerveau est l’organe le plus complexe de l’être humain, le cœur reste l’organe le plus important, car s’il s’arrête, tout ce qui est de l’être humain s’arrête d’exister. Les systèmes, dont la charge est d’assurer la fluidité du fonctionnement vital, ne sont pas des systèmes fermés. Prenons l’exemple de la genèse cardiaque, par la naissance initiale de ses cellules dans la paroi des artères. Cela montre que la génération du cœur est le fait d’une nécessité circulatoire du sang dans ces artères. Ainsi, ce que nous appelons adaptation, pour les efforts occasionnés par les différentes expériences vécues, n’est autre qu’un processus de transformation qui nous fait être autre que ce que nous étions auparavant. Ceci nécessite que tous les processus vitaux soient ouverts pour des possibilités évolutionnaires. Nous avons déjà écrit, dans une réflexion précédente, que rien n’empêche une continuité entre des manifestations microphysiques et des manifestations macro-physiques. Enfin, il nous faut accepter que les ADN, comme toutes les entités fondamentales ou non, se « parlent », puisque tout est une affaire de rapports mutuels, dont les contextes d’opération nous en précisent les termes.
Les logiques se réfèrent aux sens, Quels que soient les variables en chiffres, les opérationnalités des nombres sont une affaire de contexte fonctionnel, dont les problématicités de sens, interprétées en lettres, peuvent en donner un sens. Mais que fait-on de la conscience, ce phénomène qui n’est ni signifiant ni signifié, mais qui transcrit un rapport au monde ? Rien, parce que la conscience, éclairante, ne relève pas de l’utilité, mais d’une présence, d’un type de rapport au monde. Les différentes consciences sont hiérarchies d’une présence au monde de l’instant. La faculté de conscience est ainsi le creuset de la transformation, c’est par elle que le monde opère ses différentes actions, par la variété de ses contextes de sens, qu’elle absorbe tous sans exception. Que devient le fonctionnement humain dans ce schéma ? Le traducteur du langage génétique d’une histoire, par une conscience portée par des processus vitaux. Qui va en être les bénéficiaires ? En premier l’esprit formel, dont les savoirs sont vus comme des cellules organiques, puisqu’elles assurent la transmission et la genèse de toutes les formes de vie.
Les cellules biologiques sont les grandes gagnantes d’un loto universel de clés génétiques, mais à cause de l’émergence humaine, elles perdent le pouvoir de liberté emprunté au hasard. En effet, celui-ci se voit remplacé par un certain ordre des choses, impulsé par le pouvoir de la conscience, puisque c’est par elle que s’instaure toute hiérarchie. Le corps règne donc en maître, tant que l’être humain ne se mette pas en tête de le détrôner, par l’avènement d’une âme maîtresse de toute destinée individuelle, l’homme conscient. Ce ne sera ainsi que par le concours de cette âme que nous retrouverons toute l’expression d’un libre-arbitre conscient.