Dans la définition usuelle de la conscience, nous trouvons ceci ; que la conscience serait une présence constante de soi à soi. Cela renvoie donc la conscience à une faculté réflexive de l’esprit humain, c’est-à-dire sa capacité à faire retour sur soi-même. Puisque dans le soi nous décelons l’ensemble des relations qui relient un sujet à son environnement, nous faisons alors de la conscience le moyen par lequel un sujet a potentiellement la faculté de tout connaitre de lui-même comme de son environnement. Mais, est-ce bien exacte de conférer à la conscience humaine ce pouvoir ? À la lumière d’une humanologie apparemment, non. En effet, il s’avère qu’il existe une confusion dans cette définition entre deux facultés, la conscience et l’intelligence. Il nous revient d’expliciter pourquoi cette confusion mène à l’occultation de la réalité de conscience pour un contexte de relativité absolue, et ce pourquoi à l’inverse, il existe plusieurs déclinaisons de la conscience. En effet l’impossibilité de saisir ce qu’est véritablement la conscience aboutie à voir plusieurs consciences (individuelle, personnelle, humaine, collective, animale, végétale …) là où il n’y en a qu’une.
Le concept d’intelligence pose en premier le problème fondamental de sa résolution. Posons d’abord ceci ; la conscience serait le résultat d’une résolution de l’intelligence par elle-même ce qui impliquerait que le contexte de l’intelligence sur lequel elle s’applique n’est autre qu’elle-même. Comment alors la récursivité d’un processus peut-il générer de la conscience ? Si nous considérons que l’intelligence se définit comme la faculté de poser des questions et d’y répondre il nous faut donc accepter qu’il s’agisse là d’un contexte bien défini en la qualité d’un problème posé et qui vient induire une perplexité dans le cadre d’une perception dudit problème. La démarche classique y voit là la source d’une possible prise de conscience dans le résultat potentiel d’une résolution problématique. Mais, l’humanologue y voit tout autre chose. Une intelligence qui s’organise en questionnement sa propre intelligibilité. Que doit-on comprendre d’un problème si ce n’est la question issue de la façon dont on le pose ? En effet, chacun sait que tout problème bien posé comporte en lui la réponse que la question propose de mettre en avant. Cela s’appelle l’intuition dont on sait aussi qu’elle devient le socle d’une démonstration par la preuve, ce qui implique l’utilisation du même langage que celui posé par le problème ainsi que la même méthode utilisée dans le contexte de la mise à jour du problème.
Sachant cela d’où pensons-nous qu’une solution émerge d’un problème ? De la manière dont nous avons posé le problème en tout point. C’est comme cela que l’intelligence se résout à elle-même et fait de toute problématique la résolution d’une intelligibilité potentielle d’un problème. Si nous reprenons la définition classique de la conscience nous voyons qu’elle se définit comme la faculté d’une présence constante de soi à soi. Est-ce bien correcte de définir la conscience ainsi ? Puisqu’une présence constante de soi à soi est parfaitement remplie par la faculté d’intelligence, à condition que la problématique soit bien posée, c’est-à-dire que l’énoncé d’un problème puisse contenir par son intelligibilité la seule réponse possible. La conscience n’a rien à voir avec une quelconque présence, qu’elle soit de soi à soi ou de soi aux autres ou entre soi et même encore de soi à un environnement. La conscience est conscience parce que justement elle est la seule particularité qui ne se laisse pas conditionner. En ce sens la conscience représente en son sein la seule et unique forme de liberté qui soit ; l’inconditionnelle.
Ceci pose alors le problème existentiel profond qui est de savoir pourquoi une quelconque forme d’existence peut revendiquer le fait d’être consciente. Pour se rendre vraiment compte à quel point ceci est un problème, il nous faut le poser en des termes assimilables à notre intelligence ou toute forme d’intelligence en mesure de pouvoir en comprendre le sens profond. Si l’intelligence par définition parait capable de se résoudre par elle-même alors elle contient potentiellement toutes les résolutions possibles de tous les problèmes possibles. Mais, elle en demeure pas moins étrangère à toute forme de conscience puisque celle-ci est inconditionnelle. Il faut donc entendre par là qu’il est impossible pour l’intelligence d’avoir un quelconque accès à la conscience. De plus, il n’en demeure pas moins que l’intelligence puisse comprendre son incapacité à saisir une conscience ce qui fait de la seule faculté de l’intelligence le moyen de comprendre que la conscience n’appartient en rien au domaine de la compréhension. C’est en conséquence en ce sens que la conscience peut être au sens existentiel du mot ou ne pas être, mais qui ou quelle instance va alors décider de ce choix ?
Personne, et voilà la magie du verbe exprimée par la seule force de son sens déclaratif, rien ni personne n’a le pouvoir de décréter s’il y a conscience ou non. Par contre, les connaissances acquises par la résolution des problèmes montrent à quel degré de conscience nous sommes, en fonction de la quantité de problème résolue et conscients de certaines choses plutôt que d’autres. Alors, nous voici au moment où il nous faut parler de responsabilité humaine et d’une obligation d’attribuer un statut à la conscience. La littérature classique fait attribuer à la conscience une notion de responsabilité, mais est-ce raisonnable ? Comment peut-on être responsable de quelque manière que ce soit pour quelque chose dont on devient conscient après coup ? La seule façon de rendre à l’éthique de l’action sa valeur de responsabilité, c’est de comprendre qu’il ne s’agit pas ici de conscience, mais d’intelligence dans le choix de ses actions, qu’elles soient abstraites ou concrètes. Manquer d’intelligence ce n’est pas ne pas avoir de conscience, c’est ne pas savoir poser les problèmes dans le sens de leurs résolutions. Il ne faut donc pas reprocher un manque de conscience ou une absence de développement de conscience, car il faut simplement savoir si l’on sait poser un problème en particulier. Dans l’éventualité où l’on ne le sait pas, il est préférable d’en déléguer la responsabilité au domaine qui le sait.
De plus, nous le voyons clairement maintenant, le domaine de l’intelligence n’est pas le domaine de la conscience. Il faut devenir très vigilant à ne pas confondre ces deux domaines sous peine d’introduire un biais de connaissance qui exclue toute forme légitime de transcendance. Quel mot que celui-ci ! Associer la forme transcendantale à la conscience, n’est-ce pas ouvrir la porte à toutes les croyances ? Catégoriquement non, si l’on pratique ouvertement l’intelligence au degré de sa capacité résolutoire. Ce n’est pas parce que la conscience n’est pas accessible à l’activité de l’intelligence qu’elle ne porte pas en elle la connaissance de ce qu’elle amène. La question est donc de savoir comment l’on accède à la conscience ? On n’y accède pas volontairement, car là est la surprise de taille, c’est la conscience qui fait le choix de s’ouvrir à nous. Est-ce à affirmer alors que la conscience est douée d’une autonomie caractéristique d’une détermination ? Sans surprise nous répondons par l’affirmative. Comment peut-on entendre cela ?
Parce que nous pouvons énoncer que la manifestation de la transcendance est ce par quoi elle s’exprime, une conscience. En conséquence, nous pouvons ainsi réintroduire la conscience dans le domaine humain et pas seulement dans le domaine de l’esprit. Voici comment le comportement, quel que soit ce comportement, est la manifestation d’une transcendance par la conscience qu’elle mobilise. C’est alors que le jugement opère par l’opération d’une éthique lorsqu’un comportement s’exprime. Ceci devient applicable pour tout comportement phénoménologique identifiable par l’esprit. En conséquence, la conscience est bien un domaine potentiel d’actualisation par un comportement ce qui confère une responsabilité au comportement et lui donne une forme tautologique que nous pouvons qualifier de métaphysique. Dans le domaine naturel (dont fait partie l’humain), se comporter devient la preuve d’une existence consciente.
Pour finir cette réflexion, résolvons le sens énigmatique du titre de cet article. La « conscience malgré elle » ne signifie rien d’autre que le fait, pour une conscience, de devoir son existence à la forme inconditionnelle de sa propre genèse. Ainsi nul ne peut en revendiquer sa paternité. La conscience restera toujours une conscience et il est faux d’affirmer que la conscience est constamment une conscience de…