Nous aurions pu donner à cet article le titre « De la nuit des temps », car aussi loin que la mémoire puisse se permettre d’aller, l’activité autonome du libre-arbitre, précisée actuellement par le fonctionnement humain, n’est qu’un horizon qui sans cesse recule. Ré-investir les dimensions de l’homme est l’objet de choix d’une conscience qui s’investie dans l’inconscience du monde. Tout ce que l’humain peut faire, l’homme peut le percevoir par conscience, non par le déploiement d’un instinct de vie mais parce que toute essence de l’action passe par un auteur, ce qui fait de celui-ci un producteur de conscience. Nous verrons que par l’absolue relativité de nos expériences conscientes, l’espace est le lieu d’une quantification d’unité d’information et qu’il n’existe pas de solution de continuité du temps hors de cette formalisation. Ceci ramène à la fonction comme principe structurant, par la nature de l’espace comme par la nature du temps. C’est ainsi que l’on ne peut dissocier la vie humaine de son devenir conscient, tant chacun contient le tout de l’autre. Donc tout ce que chacun a à faire, c’est de prendre conscience des réels produits par sa vie.
Ainsi dans son principe, l’attractivité de la fonction sera le non-attachement par la conscience de la structure qui la gouverne. Ceci formalise l’indépendance comme seul devenir comportemental d’un développement conscient d’une puissance d’investigation de la réalité par la vie. Cette puissance d’investigation fait naître les conditions de l’information que sont le mouvement (la vie) et la forme (l’espace-temps), sources d’une identité de nature universelle mais aussi moyen de connaissance d’une exactitude d’un vrai en train de s’accomplir. C’est ce qui défait un environnement psychique arbitraire pour des réels conscients par eux-mêmes. C’est comme cela que nous nous dotons du discernement nécessaire au bon fonctionnement humain d’un esprit, pour rétablir le principe d’un intégral souverain (une identité) par nos actions, qui ne représente pas autre chose qu’un soi en exercice. Ainsi nous pouvons statuer sur les notions : de forme et de mouvement, partenaires de la trivalence fondatrice des réels avec la perception. Si nous voulons avoir accès au réel, il va nous falloir aussi statuer sur les conditions de la cause et de l’effet, dont les aspects centraux sont déduits des propriétés de l’espace et du temps. Enfin le discernement ne pourrait s’opérer que dans la séparation de ce qui est réel et de ce qui ne l’est pas, ce qui nous oblige à faire intervenir la conscience dans une boucle de compréhension avec les composants de l’univers.
Mais avant cela il nous faut faire le point sur la stratégie que nous adoptons dans cette réflexion, ce qui nous amènes à statuer sur le raisonnement intellectuel. Nous conviendrons en premier que l’esprit est la « septième merveille du monde », il réunit à la fois les deux pôles nécessaires à l’examen d’une réalité par son potentiel et sa réalisation ce qui fait de lui, le candidat sérieux pour l’obtention de toute finalité de l’expérience humaine. La réalisation de cette finalité nécessite d’en comprendre un sens ou direction de celle-ci, et ceux-ci ne peuvent être accessibles que par le raisonnement intellectuel, ce qui suppose de mettre au second rang le statut de la personne au profit du rôle d’une entité fonctionnelle du vivant sous la forme d’une intelligence.
Un raisonnement peut être fait avec certitude pour un sujet, ce qui l’amène à emporter la conviction que l’objet dont il parle puisse être vrai. Donc pour le sujet un objet existe, et la seule chose qui puisse différencier cet objet d’une personne, c’est la qualité du rapport existant entre le sujet et l’objet. Cette interaction, car cela en est une, ne dépend que de la mesure spatiale et temporelle de la situation qui en fait son information. Il se trouve que c’est aussi elle qui permet de différencier ce qui est autonome de ce qui est indépendant, puisqu’elle montre le degré de dépendance à l’environnement. Il ne reste plus alors qu’à déterminer par le degré d’indépendance ou d’autonomie de l’objet concerné, ce qui fait un état animé ou un état inanimé. C’est donc en référence au degré de connaissance de soi que se définit la nécessité d’être conscient par soi-même, ce qui fabrique l’indépendance par le non-attachement à un environnement. Mais si l’on est seulement conscient par autre que soi, alors c’est l’autonomie qui prévaut.
Dans les deux cas nous parlons d’un contexte de référence dont l’un est extérieur (pour une autonomie), et l’autre intérieur (pour une indépendance). Dans le domaine d’un contexte intérieur, celui-ci est représenté par l’imagination créatrice de solutions nouvelles. Dans le domaine d’un contexte extérieur, celui-là est représenté par le psychisme source de subjectivité. En conclusion, le fait est que pour une imagination, l’action ne peut être qu’intellectuelle par la mise en avant d’une solution intelligible. Dans le cas d’un psychisme, l’action ne peut être qu’affective par le fait qu’elle puisse prendre la forme d’une réaction. Ce constat établit le fait que l’indépendance s’appuie sur l’intelligence, alors que l’autonomie s’appuie sur un instinct de survie. Dans un sens nous évoluons, dans un autre nous involuons.
Le monde social actuel est au summum de la représentation fictive par l’essor des personnages qui ne sont plus eux-mêmes que des ersatz d’humain, seul le monde de la vie garde encore une réalité. Ce constat renvoi à l’interrogation sur le monde physique et le rôle de la matière dans le continuum naturel de la perception. Si le monde social est fictif, alors le seul domaine personnel qui ait un sens contempteur de l’affectivité est le domaine du raisonnement intellectuel. C’est donc à l’action intellectuelle d’investir le monde des émotions personnelles, au travers du vaste domaine de l’imagination personnelle. Il n’est donc plus nécessaire de mettre sa personne a découvert pour prendre un risque, puisque celui-ci peut être calculé au gré d’une appréciation imaginaire des résultats escomptés (en réalité sous la forme de simulations). Cela fait de ce process, un processus confidentiel dont la réalisation engage l’intime conviction du sujet. Si la conscience n’est en rien impliquée dans ce process, c’est parce qu’elle est accolée au seul domaine d’intériorité qui ne soit pas engagé dans l’ensemble du processus : la mémoire de l’espèce.
C’est donc dans l’interface se situant entre une simulation et une mémoire de l’espèce, que se joue l’évolution d’une connaissance intellectuelle. Celle-ci fait matière en regard d’une conscience naturelle qui étalonne les différents états du savoir, sous la forme d’information. Elles seules sont susceptibles de nourrir une perception consciente d’un état de soi-même. C’est donc par l’existence d’une Physique exacte que nous pouvons hypostasier une nature en fonctionnement. Celle-ci peut donc incarner : de la matière, du mouvement, de l’espace, du temps, de l’Univers, et un mécanisme qui attribut une cause à des effets. Ainsi donc nous pouvons accepter que l’information et la perception se conjuguent, pour établir les fragments de réel dont seule une maturité perceptive rend compte par des états de conscience.
Ce qui fait une matière intellectuelle relève d’une mémoire comportementale de conception (une fabrication), qui organise les diverses interactions entre un sujet et son objet, ce qui en produit une matière intelligible. Mais cela peut être aussi l’inverse, des comportements interactifs qui s’organisent en process de conception pour actualiser une mémoire, ce qui en produit une matière sensible. En ce qui concerne la matière sensible, nous découvrons des propriétés physiques qui délivrent la possibilité d’une opération de conceptualisation de celle-ci. En ce qui concerne la matière intellectuelle, nous postulons des propriétés physiques qui délivrent des résultats dont la perception fait appelle aux mémoires. Puisque l’information et la perception se conjuguent pour faire le réel, alors l’information de conception amène la perception d’un présent par la mémoire, quand l’information venant d’une mémoire ne reproduit qu’un passé par sa re-découverte.
Passé et présent se rejoignent ainsi dans le réel qu’ils représentent, mais ce qui rend compte d’une maturité perceptive, c’est la flèche du temps comportant plus ou moins de durée entre un présent et son passé, ce qui implique la survenue d’un futur de plus ou moins grande intensité, et c’est cela qui forge la puissance d’un réel. Plus le temps qui sépare un présent de son passé est de courte durée et plus le futur est omniprésent, le réel est au prix du temps manquant à la conscience d’un présent.