Le surhumain est la voie de l’esprit

La réalité physique d’un être humain s’incarne dans un ici et maintenant et réuni par son existence les deux termes d’un paradoxe apparent, celui d’être à la fois singulier par son unicité et pluriel dans sa multidimensionnalité. D’après les physiciens, la matière n’existe pas et en tant qu’humanologues nous sommes d’accord sur ce point, mais à la différence de ces mêmes physiciens, l’effet de matière d’un tout existe. Nous avons vu dans un article précédent sur le sujet conscient, que l’intrication d’informations nécessite la reconnaissance d’objets par leurs propriétés d’interaction, et que leurs relations asymétriques apportent une corrélation responsable de la naissance d’un état de conscience. Comment cela fonctionne-t-il ? Par le jeu du concept d’espace-temps qui attribue à chaque objet de perception, des dimensions spatiales et des dimensions temporelles. L’information sur un objet n’est jamais complète pour celui qui perçoit, car ce qui en donne une information est seulement l’un des comportements propres de celui-ci parmi tous ses comportements possibles. La perception de cet unique comportement par un tiers, le sujet conscient, complémentarise l’espace et le temps manquant à la totalité de la conscience de celui qui perçoit, et cela sous la forme de propriétés d’espace-temps qui s’associent à l’espace-temps du récipiendaire de la perception. Ceci concourt donc à la formation du sujet.

Finalement, ce dont un sujet est conscient relève d’une quantité d’inconscience de lui-même par une partie de l’objet de sa perception. C’est cela la véritable information, une quantité de conscience que vient remplir une inconscience réciproque, si chacun des deux termes est conscient. L’information quantique ne déroge pas à cette réalité, car une superposition d’état de conscience n’est que la somme des différents états possibles d’une quantité d’inconscience représentative de ce que l’on ne connait pas, mise en valeur par une interaction avec ce que l’on connait. Quand nous disons que l’être est plus fort que la conscience, c’est parce qu’il combine un ensemble d’informations de ce qui est conscient par la formation du sujet, ce qui place l’être au-dessus de ce qu’il intègre, les états de conscience. L’information donne un sens à un mouvement d’intégration car ce qui existe réellement est le placement des choses dans le temps et l’espace. Lorsque nous prenons conscience d’une chose, nous pouvons le faire car nous reconnaissons les choses par leur placement spatio-temporel, grâce à l’interaction génératrice de l’information qui nous en apporte la conscience. L’esprit ne se forme ainsi que par la somme d’état de conscience apportés par les informations du sujet. L’esprit n’est alors pas différent de l’être et de celui-ci naissent nos perceptions. L’être est ainsi celui qui perçoit, ce qui cantonne la fonction du sujet au catalogue des informations vitales.

Pourquoi définir qu’une réalité physique de l’être humain s’efface devant l’émergence de l’esprit ? Parce que l’esprit forme une existence en conscience, ce qui n’en laisse que le sens. Ce qui diffère entre les êtres humains, ressort ainsi du niveau de conscience de leurs esprits, c’est-à-dire du sens qu’ils accordent à leur existence. Lorsqu’un être humain s’érige en être conscient, il ne peut le faire que si son sujet incarne le sens proprement dit de l’existence. La différence qu’il y a entre un sujet conscient, grâce à l’expérience de son humanité, et un sujet inconscient de la simple expression psychologique d’une appartenance à son corps physique, c’est que le sujet conscient est le sens même d’une existence de l’être humain, alors que le sujet inconscient est le jouet de l’existence d’un corps émotionnel dont les conséquences établissent un niveau d’humanité du sujet. Être humain relève ainsi d’une transformation, opérée par le sujet qui se laisse déterminer le sens de celle-ci vers la conception d’un esprit. Le transfert progressif des informations conscientes, que l’on doit à la reconnaissance de la formation d’un esprit, ne peut se faire qu’au travers des interactions humaines entre un être et son environnement.

L’effacement physique de l’être humain dans la formation d’un esprit conscient, n’est pertinent que dans l’ombre d’un transfert de sens entre un sujet et l’existence qu’il mène. Ce sens ainsi transféré donne à la conscience le champ libre à la formation de l’esprit, au travers de la révélation d’un contenu de mémoire, autrefois symbolisé par l’existence de l’être humain lui-même. La stratégie complémentaire d’un fonctionnement humain, permet à l’esprit de concevoir les informations qui relèvent de la reconnaissance du sujet sur lui-même. C’est de cette reconnaissance, que les choix opérés par l’esprit permettent au sujet conscient d’orienter son attention sur les situations pouvant permettre au corps physique d’exprimer ses comportements. Ainsi les interactions avec l’environnement génèrent des informations sur l’existence d’un être humain dans son contexte. La combinaison des informations obtenues par le sujet conscient, et les informations de l’existence de l’être humain dans son contexte, apportent la conception d’états de conscience dons le sens concourt à la révélation d’un soi. La conscience de celui-ci révèle les objets d’une mémoire commune entre un être et son environnement. C’est par ce soi naissant, qu’un sujet conscient transforme sa réalité en un sens de l’existence, dont les éléments constitutifs sont issus de la mémoire commune ainsi mise en lumière.

Mais attention, il ne s’agit pas de faire l’apologie d’une inhumanité naissante mais bien plutôt de révéler les conditions de naissance d’une sur-humanité, initiée par le développement de conscience d’une humanité individuelle. Celle-ci devient le lieu de toutes les interactions potentielles d’un esprit avec son environnement. Il s’agit ici de bien comprendre que les données inconscientes qui nous sont rendues accessibles par les informations d’un sujet conscient, sont ce que nos pensées nous délivrent de nous-mêmes et de notre environnement. Par la prise en compte de ce processus opératoire, une vision créatrice est obtenue par la conscience même de l’esprit à concevoir la réalité de sa propre existence. Ainsi la transformation du corps et de l’esprit d’un sujet conscient s’opère en temps réel, dans le seul but de rendre à la personne ce que son esprit sait consciemment de lui-même. Il nous faut donc revendiquer le fait que par la force des choses, l’être humain ne doit rien attendre de la vie, mais que la vie doit attendre quelque chose de l’être humain. Cette chose est la connaissance de soi-même, qui ne doit pas être interprétée comme la démarche égoïste d’une personne à vouloir se comprendre elle-même, mais celle d’un soi de l’existence qui puisse être amené à se comprendre lui-même comme le sens profond de l’existence de la vie à se connaître elle-même. Ce n’est qu’ainsi que sera rempli ce que nous pouvons appeler le « cahier des charges » de la vie, en considérant qu’un esprit conscient est autant singulier que pluriel pour avoir la possibilité de couvrir le champ de manifestation vitale. C’est dans la nature de cet esprit que de considérer toute forme de vie comme le champ d’une inconscience, grosse de toutes les possibilités d’état de conscience.

Comment entendre aujourd’hui cette ambition du surhumain, sans tomber dans le piège de l’humain augmenté ou du transhumanisme ? En comprenant bien de quoi il s’agit. L’humain augmenté est ce type d’humain dont on assure, par une technologie externe, la possibilité de décharger sur elle une partie ou l’ensemble des facultés voir des capacités de celui-ci, à pouvoir gérer les défis de l’existence. Dans cette catégorie nous rencontrons aussi bien les technologies virtuelles que les technologies d’intelligence artificielles transférées sur les ordinateurs. Le transhumanisme lui, promeut des capacités et des facultés intégrées à l’humain sous la forme de technologies intra-corporelles, telles que les implants cérébraux ou ce qui arrivera bientôt sur le marché, des nanites c’et-à-dire l’introduction des nanotechnologies dans les différents organes et systèmes du corps. Nous voyons ainsi que rien ne peut arrêter cette possibilité technologique, qui n’est autre que le fait de rajouter à l’inconscient de soi-même d’autres inconscients techniques. Cela non seulement prive l’être humain d’une véritable évolution naturelle pour lui-même, mais aussi offre toutes les possibilités d’un contrôle de l’un, par d’autre que lui-même. Ce danger réel n’est pas seulement individuel mais aussi collectif, puisqu’il amène les moyens d’une évolution politique sociale coercitive.

Personne ne nous dit qu’il existe une voie royale à l’épanouissement individuel, mais ce que chacun peut entrevoir, c’est que tant qu’une personne garde en mémoire une trace de son humanité, elle sait qu’elle peut compter sur elle-même pour donner un sens à son existence. Le surhumain entendu dans cette réflexion, est un surhumain conquis par soi-même dans le résultat naturel de la vie. Rien ne nous indique que nous ne pouvons pas aller au-delà de ce que nous sommes, tant que nous restons conscients d’être en vie. La vigilance de notre esprit, nous met en lumière que nous ne pouvons pas en rester sur des interprétations de l’existence qui soient les résultats des savoirs des autres. Nous sommes tous dotés des mêmes facultés, certes celles-ci ne sont pas forcément développées comme il faudrait, car elles sont tributaires de contextes qui ne sont pas unilatéralement choisis. Mais dans un monde d’information comme le nôtre aujourd’hui, il est intenable d’en rester sur un acquis dont la qualité n’est pas suffisante pour valoriser ce que l’on est de soi-même. Il n’y a aucun bénéfice à attendre d’un environnement qui ne demande pour sa légitimité qu’une prise en compte de lui-même. En clair tout environnement ne peut exister que par la responsabilité des choix individuels, ceux que chacun pratique dans le sens d’un bien commun, la vie. Alors n’est-il pas juste de penser que le seul environnement qui puisse nous rendre des comptes, est en réalité le niveau de conscience que nous octroyons à notre propre humanité ?

C’est alors qu’effectivement le sur-humain est en possibilité d’exister, par la conscience d’un esprit à être profondément vivant. Cette existence ne justifie pas des jugements de valeurs mais plutôt une considération que nous conférons à la vie, celle de nous initier à meilleur que nous-mêmes dans une réalité à laquelle nous accordons un statut de multidimensionnalité universelle.