Le temps et le mouvement

Dans cet article, nous voulons exprimer en quoi la nécessité d’un glissement logique est nécessaire depuis le fait de prendre conscience par une organisation cohérente des savoirs, ce qui est implicitement l’expression d’une projection mentale, et le fait de vivre quelque chose en conscience. Nous avons vu précédemment que le comportement scientifique conduit à une tautologie, par l’existence de postulats nécessaires à la conception de modèle dont l’expérimentation doit montrer, grâce aux mesures, la corrélation avec des faits observés. Ce qui nous confirme l’existence de cette tautologie est l’obligation de définir des étalons de mesure auxquels doit se référer chaque mesure pour obtenir des grandeurs compatibles avec un traitement logique. Ceci sans pour autant commencer par la conscience d’un réel, dont l’expérience naturelle nous en demande pourtant l’implication comme référentiel de départ de toute compréhension. La méthode scientifique instaure donc un arbitraire qui, certes, est le résultat d’un consensus, mais dont l’existence même de postulats ne permet pas d’obtenir la précision nécessaire à tout rattachement conscient.

Au mieux, nous aurons le résultat d’une dénégation de la réalité sous sa forme naturelle, puisque nous n’aurons affaire qu’à des résultats probables, ne différant pas fondamentalement d’un mécanisme du hasard. Ceci confère statistiquement au fonctionnement de la Nature un ordre profond implicite, déduit de l’intervention artificielle d’une intelligence à vouloir la comprendre par une approche extérieure à elle-même. Ce qui pose problème dans cette approche, c’est que chacun d’entre nous fait partie de ce fonctionnement naturel, ce qui amène à le détruire pour le comprendre, ou à le subir sans le comprendre. Ce que nous apporte la raison cartésienne ne doit pas être cantonné à l’aspect formel de ses moyens au travers de l’utilisation des Mathématiques, mais doit fondamentalement s’occuper d’une logique fonctionnelle par l’intermédiaire de laquelle les moyens de l’esprit puissent développer l’accession à une compréhension intégrée. Celle-ci possède une existence au sein de chacun de nous par la vie qui nous porte, et confère une responsabilité par la présence consciente que nous avons dans le monde naturel.

Ce faisant, toute présence au monde par la conscience irrigue l’esprit d’un co-fonctionnement avec la Nature qui nous environne, et ce par l’implication de nos actions à penser un monde dont chaque comportement nous fait prendre conscience d’une coopération entre les êtres qui le constitue. La pratique scientifique ne devient qu’un comportement partiel à pouvoir mesurer la réalité des faits, sans toutefois avoir les moyens de comprendre l’intégration complète des conditions qui animent toute cette réalité naturelle. La science et la pratique conjointe d’une philosophie de l’utilité sont les moyens raisonnables de fournir une quantité de données nécessaire au dépassement de la perception sensible de la réalité. Dans son aspect déraisonnable, la science supporte d’être inféodée à la technique, dont le but n’est pas philanthropique mais politique, par le remplacement d’un fonctionnement naturel dénié dans sa réalité intrinsèque, pour l’ensemble d’une technostructure censée nous procurer un avantage ou un progrès certain sur celui-ci, face à une soi-disant Nature hasardeuse. Aujourd’hui, à l’ère de la progression exponentielle d’une pseudo-intelligence artificielle qui n’a que peu de rapport avec l’intelligence naturelle, il nous est nécessaire d’ouvrir notre esprit sur un approfondissement plus juste de ce qu’est en soi un fonctionnement naturel, qui n’a rien d’un fantasme, mais représente le réinvestissement de l’esprit humain dans le concert d’une réalité qui doit être vraiment comprise.

Avant de développer ce que nous entendons par ce titre « le temps et le mouvement », il nous fallait préciser dans quelle configuration nous pensons à la fois le temps et le mouvement. Chacun de nous est avant tout présent au monde par son corps; sans corps nulle possibilité de conscience de la réalité. Évacuons un premier malentendu: une personne dans le coma est prétendument sans conscience, mais est-ce juste de dire cela ? Dans le principe de sa définition, la conscience est une caractéristique humaine envisagée comme les réactions d’une personne qui se manifestent face aux stimulations de son environnement. C’est bien là ne pas tenir compte d’un fonctionnement naturel de la réalité que de qualifier d’état végétatif un corps qui ne vit que sous assistance technique. En effet, cela ne manifeste-t-il pas une forme de connexion consciente que d’être présent par un corps dont le fonctionnement vital est assuré par un environnement technique ? Bien sûr, cela ne permet pas la manifestation d’une conscience personnelle, car effectivement nulle personnalité ne peut ici en exprimer un comportement relationnel volontaire. Pourtant, nous qualifions de conscience individuelle toute personne pouvant exprimer un raisonnement réflexif. Alors pourquoi ici s’exprime-t-il une dysfordance (une affordance impossible entre un être et son environnement) entre ce que peut une personne et ce que peut un corps vivant ? Si une personne reflète les réactions à un environnement, c’est qu’il peut l’interpréter, parce qu’il en a conscience. Pourquoi alors un corps vivant qui réagit à l’état de son propre système n’est-il pas lui aussi conscient de ses propres états, alors que cela lui amène les moyens de ses réactions internes ? Nous le voyons, nous ne pouvons raisonnablement pas faire de différence logique entre les réactions personnelles et les réactions corporelles. Par contre, cela pose la question de la localisation et de la nature de la conscience.

Le grand malaise, aujourd’hui dans le milieu scientifique face au problème de la conscience, vient d’un constat simple : si nous ne réintroduisons pas l’idée d’une réalité naturelle, alors la conscience ne restera qu’un épiphénomène technique individuel, reproductible dans une analogie très partielle à ce qu’elle est vraiment. Ce constat contrecarre l’esprit scientifique, car il placerait la science au rang des moyens d’une effectivité consciente, ce qui est difficilement acceptable par le rendu de puissance que la science offre aujourd’hui. Si nous voulons aborder la conscience dans le cadre d’un fonctionnement naturel offert par l’existence des corps, il nous faut alors casser les codes de valeur de la matière physique, et placer la conscience en tout point de l’espace, donc au-delà de toute matière. Nous revenons ainsi à la dimension des comportements humains qui font de l’existence matérielle une conséquence, un effet dont la cause est attribuée aux multiples formes que peut prendre le temps en fonction de sa vitesse de traitement par la conscience.

Si nous partons d’un fonctionnement naturel obtenu par la conscience comme premier principe existentiel dans l’ordre des choses, alors force est de constater que tout est déjà là sous la forme d’un mouvement des choses, car sans mouvement rien ne peut exister en conscience. Puisque le mouvement est forcément qualifié par le comportement qui le caractérise, alors la diminution de ce mouvement fait émerger un ordre fonctionnel dans les éléments du comportement en mouvement, dont la forme en est l’information et le produit manifesté, une structure. Si cette diminution continue, c’est parce que le temps s’inscrit dans le mouvement comme fonctionnement, alors le mouvement devient si discret qu’il se définit comme simple quantité de temps, dont le comportement passé se répartit en ses différents éléments comme des espaces construits entre chacun d’eux. Ceci rend compte d’une structure comportementale passée, ce qui fait de ces différents éléments les données contextuelles de cet ancien comportement. Si enfin le mouvement disparait, alors il ne reste plus qu’un espace démesurément grand dont la conscience reflète celui-ci par un état de matière. En quelque sorte une substance dont l’information par son état traduit un niveau d’intégration temporelle des données d’un comportement passé. C’est ainsi que de la structure initiale d’un comportement la science en donne une interprétation relativiste, car son analyse débute toujours par le rapport de celui-ci dans son contexte d’approche d’étude.

Ce que nous pouvons retenir de ceci, c’est que lorsque un mouvement s’estompe c’est parce qu’il intègre le temps comme futur état de conscience par la matière. Le mouvement est corrélé au temps; si le mouvement disparait alors le temps se transforme en fonctionnement. Avant que le mouvement ne disparaisse en entrainant la disparition du temps, l’espace généré par la diminution du mouvement alliée à la transformation du temps produit des quantités d’information qui sont autant d’états de conscience futurs intégrables, dont les substances finissent par produire une organisation de ce qui fut des comportements passés. Les informations entreposées sous la forme d’organisation par des états de matière consciente, ainsi que la possibilité de concevoir des états de conscience futurs, représentent les conditions des choix personnels. C’est ce que la science interprète comme probabilité de résultat par le traitement algorithmique des états quantifiés d’un système, mais sans référence à la conscience de ce système comme récipiendaire des calculs. Dans une telle approche, la production de résultat a pour seul bénéficiaire un autre résultat, une sorte de démiurgie quantique dans l’exploration par une intelligence purement artificielle et sans possibilité de relier les résultats à un fonctionnement de la nature protagoniste d’une existence physique consciente.

Maintenant, si tout est là par l’existence du mouvement, alors rien n’est là sans mouvement. Si la présence est le référentiel d’une conscience, ce que l’existence du mouvement confirme, alors la présence se confond avec l’être. Ceci donne au temps une légitimité face aux possibilités d’un fonctionnement. Cela donne aussi à l’espace sa légitimité, puisque le mouvement ne s’entend que dans un espace possible pour sa manifestation. Donc l’espace à une légitimité face aux possibilités d’organisations physiques, c’est-à-dire relevant d’un sensible perceptible. La réunion d’un fonctionnement et d’une organisation physique au sein d’une présence confère à l’existence de l’être une potentialité de réalité. Cela équivaut au comportement d’un système autonome producteur d’une information par les effets physiques de ses comportements. Cette production est entretenue par le développement d’une présence issue des rapports d’un être avec son environnement. Ce qui émane d’un corps vivant inconscient est le reflet d’une dysharmonie de celui-ci dans ses fonctions le reliant à son environnement immédiat. De cette dysharmonie naît le désir d’un être pour une nouvelle compatibilité personnelle seulement accessible à qui reconnait l’existence d’une réalité naturelle d’un fonctionnement sur le fond d’une conscience immanente.

La conscience immanente est donc le moyen par lequel nous recouvrons une connaissance d’un fonctionnement naturel d’une réalité, à l’origine de toutes les manifestations d’un être physique. L’humanologie comme savoir stratégique découle de cette approche fonctionnelle, manifestée par l’ensemble des comportements possibles qui relient un être en formation à cette réalité de conscience. Ce n’est qu’ainsi qu’un savoir personnel s’affranchit d’une inconscience dévolue aux seuls savoirs techniques, ce qui donne raison à chacun d’entre nous de vouloir privilégier consciemment un intérêt supérieur de soi-même. Seul l’exercice d’un libre-arbitre permet les choix conscients pour l’existence individuelle d’un être physique, celle-ci présidant par son esprit la reconnaissance d’une place personnelle au sein d’un fonctionnement naturel. Là est le véritable objectif de la destinée humaine consciente dont chacun peut en exprimer une résilience lors des mauvais choix constatés.

Ainsi, si nous reprenons l’exemple d’une personne dans un coma végétatif, exemple extrême pour une meilleure compréhension, une personne est dans le coma uniquement parce que sa conscience personnelle ne peut pas ou plus envisager l’inconscience de son corps comme une possibilité d’être ce corps rattaché au fonctionnement naturel de la réalité. Cette rupture de relation entre les possibilités d’une conscience personnelle et les possibilités d’une conscience individuelle, par la seule perte de connexion au fonctionnement naturel de la réalité, peut être restaurée par l’instauration d’un fonctionnement humain qui requalifie l’unité de la conscience d’être dans cette réalité, par les différentes formes de comportement d’une vie naturelle. C’est normalement ce à quoi sert le mécanisme squelettique crânien, entité organique autonome du corps physique, comme instance centrale des possibilités comportementales de l’ensemble d’un système biologique par son implication fonctionnelle sur la structure cérébrale.

De ceci un aparté sur la politique individuelle s’impose. S’adapter aujourd’hui, consiste-t-il à accepter de se soumettre à l’inconscience d’un système technocratique, ou faut-il s’en affranchir en privilégiant l’exploration naturelle de soi-même ? Dans la seconde option, comment le faire dans le respect d’une éthique commune ? C’est là que se situe la problématique individuelle. Car l’inconscience du système ne l’est pas pour tout le monde, et cette organisation asymétrique ne profite qu’à ceux qui sont nativement dans la bonne configuration des conditions artificielles d’existence du système mis en place. Les questions que nous pouvons nous poser sont les suivantes: comment compenser les erreurs de configuration initiale ou alors d’une façon plus radicale, comment changer de paradigme systémique ? De quelle façon opérer pour que l’orientation de cette politique puisse redonner une capacité de percevoir la conscience immanente et restaurer les potentialités de chacune de nos vies ?