Les savoirs scientifiques tendent à devenir la seule référence de la connaissance humaine, en cela elle semble prendre parti pour un réel extérieur à soi dont les différentes lois en régissent les comportements singuliers. Une existence particulière devient donc le récipiendaire d’influences dont un esprit en assure une relative maîtrise par la formulation de contextes. Cet esprit peut prendre différentes formes à condition de respecter un certain niveau de cohérence logique dont il est possible d’en inférer un fonctionnement. Celui-ci adopte alors le statut d’état, en conférant aux différents comportements qui le caractérisent, une vie propre dont les propriétés fonctionnelles sont directement déduites d’une matrice d’espace-temps, dont les relations en manifestent une évolution. Les savoirs scientifiques relatent un chemin de découverte qui en permettent un enrichissement, à la condition expresse qu’ils défient une sérendipité occasionnée par le seul hasard des découvertes.
Mais une question se pose, d’où vient la vie de celui qui cherche et découvre les matières de ces savoirs ? Aujourd’hui nous pouvons expliquer beaucoup de choses, ainsi les perspectives de la simulation numérique nous permettent d’envisager une connaissance plus approfondie du réel, mais cette simultion numérique pourra-t-elle permettre de répondre à cette question ? Impossible, car nous nous retrouvons dans la même situation qu’un astronaute aux abords d’un trou noir, nulle information ne peut en sortir et la connaissance des évènements à l’horizon de celui-ci ne permettra, au mieux, que l’énonciation d’une spéculation de ce qui pourrait se passer à l’intérieur, sans jamais pouvoir en donner une preuve de réalité. Alors somme nous condamnés à nous satisfaire de ce mystère, sachant l’impossibilité de revenir d’une exploration dans ce trou noir ? Non, car la science ne repose que sur une pratique rendue possible par l’existence de postulats. Alors examinons comment il est possible d’envisager de nouvelles réponses, qui puissent ajouter un ordre de grandeur naturel à ce qui relève d’une activité d’abstraction humaine.
La science n’a d’existence que par le temps que nous lui consacrons, ce qui en fait une activité similaire à toute autre activité humaine. Mais là où l’activité scientifique est singulière, c’est sur le plan de son postulat de base : l’existence du mouvement, en référence à toutes les manifestations physiques qui en démontrent son existence ou sa non-existence. Dans sa définition, le mouvement est un changement de position dans l’espace, ce qui le relie automatiquement à un facteur temps. Si la matrice d’espace-temps est le cadre de toute explication des phénomènes physiques, il est donc tout à fait satisfaisant d’appeler réel tout ce qui peut y apparaitre de manifeste. Donc dire que la science est juste, comme toutes les activités humaines pouvant être décrites, l’est parce qu’elle ne fait que manifester les différentes formes que peut prendre le temps, au travers des différents changements de position d’un objet ou d’un phénomène dans l’espace. Mais le temps est une des causes du mouvement, comme peut l’être l’espace récipiendaire du changement de position, ce qui font de ces deux protagonistes les conditions formelles de toute activité scientifique. Mais en quoi cela peut-il contribuer à répondre à la question fondamentale sur les conditions de la vie existentielle ?
En se servant de la science pour la rendre plus intelligente, nous lui ouvrons les portes de ce qui peut lui en légitimer l’existence de limite, au plus grand bien d’une connaissance de soi dont la matière fait se relier les propriétés objectives d’une connaissance, aux propriétés subjectives de celui qui cherche à savoir. L’espace-temps n’est pas le cadre légitime d’une science intelligente. La matière physique, elle, peut légitimement remplacer ce cadre puisque l’expérience du monde commence par sa perception. Ceci enclenche l’analyse de sa découverte par l’émergence d’un chemin, dont l’effet de mémoire discrétise la matière jusqu’à l’obtention d’un nouvel état d’équilibre, dont le rapport au chercheur ordonne une hiérarchie naturelle de soi et de son objet de connaissance, c’est-à-dire une connaissance de lui-même. Ainsi une science intelligente est avant tout une stratégie comportementale subjective, dont la méthode émergente procure les points de contact avec toutes les méthodes subjectives pour un même domaine de recherche. C’est à cet endroit que la constitution d’une objectivité rencontre les différentes subjectivités qui lui ont permis de naître.
La réalité est un champ où se manifeste tout ce qui est rendu réel, mais personne ne dit où se situe cette réalité, ici ou là-bas, intérieure à celui qui cherche ou extérieure, dans une dimension physique plutôt que dans une autre. Nul ne le sait a priori, car la réalité se découvre à qui sait la chercher et cela a un coût psychologique, l’engagement personnel à la découvrir. Pourquoi la matière physique est un cadre plus pertinent que le choix d’un espace-temps dans l’engagement d’une recherche de la réalité ? Parce qu’elle permet de faire rejoindre une pratique scientifique à une conscience individuelle, par l’entremise d’une intelligence comportementale à parcourir le chemin de sa découverte. Ce qui est important n’est pas le résultat de cette connaissance, même s’il s’avère qu’une connaissance de la réalité dépose les critères d’un comportement juste pour l’ensemble des relations hétérogènes, procurées par les rapports d’un chercheur avec son savoir. Non ce qui est important c’est le chemin parcouru, initiant les bonnes attitudes envers ce que le savoir amène à découvrir. Il existe donc bien une éthique des comportements individuels, mais celle-ci ne fait qu’émerger d’une efficience d’attitude au cours d’un chemin parcouru.
Alors pourquoi l’humain est-il un portail sur la réalité ? Parce qu’en regard d’une absence d’hypothèse de départ, pas de modèle à tester au travers des observations. Mais une prise en compte directe des perceptions que nous offre la vie, dans une existence personnelle au sein d’un environnement sensible. Ce qui se joue ici n’est pas tant l’impact des comportements de l’environnement sur nous-mêmes, mais la manière dont nous pouvons transformer les perceptions de celui-ci. L’espace-temps change de dimension, il n’est plus extérieur à nos perceptions mais consubstantiel à celles-ci. Ce que nous percevons n’est plus le comportement de l’objet perçu dans son environnement, mais plutôt un sujet d’étude, objet de ses propres comportements. C’est ici que les points de contact se font entre le chercheur et son sujet d’étude, la découverte de similarités de comportements dont va émerger la connaissance des méthodes communes entre les stratégies d’existence de l’un et de l’autre. Deux constats d’ensemble: le premier nous amène à penser que chacun a légitimement sa place dans le concert de l’existence phénoménale, le deuxième que la réalité ne se découvre pas là où nous la cherchons mais exactement là où elle émerge, c’est-à-dire au cœur de l’esprit de chacun.
Ainsi de ces deux constats, il nous semble que nous faisons rejoindre deux entités fonctionnelles issues de la méthodologie employée par une science intelligente. La première de ces entités est la relativité instaurée par les rapports évolutifs de l’interaction entre un sujet et son étude, relativité qui semble tendre vers un absolu puisque le résultat d’un chemin parcouru efface celui-ci au profit d’un basculement d’état d’une ignorance vers un savoir. L’existence de la deuxième entité nous démontre que l’analyse d’un objet dans un sujet d’étude tend à quantifier l’approche de son résultat en faisant émerger des savoirs là où l’on n’attendait pas qu’ils se trouvent, c’est-à-dire à l’intérieur de nous-mêmes. Il est tout de même étrange que nous puissions réunir dans une même approche ce que la science actuelle ne peut réunir, à savoir une relativité générale et une physique quantique. Pourquoi est-ce ainsi ? La réponse n’est simplement que dans le placement du cadre d’espace-temps, qui dans la science actuelle est antérieure à tout processus abstrait, alors qu’ici en humanologie, il émerge dans la forme des objets que l’on est amené à connaître. L’être humain en est un parfait exemple comme d’ailleurs tout objet naturel, ce qui impose deux conséquences.
La première, c’est que tout objet naturel est en vie, seul le niveau de manifestation de son espace-temps le classe dans la catégorie de l’inanimé ou de l’animé, en fonction du niveau de la conscience de son observateur. La deuxième conséquence n’est pas des moindres: le choix du placement d’un espace-temps comme le cadre abstrait de toute analyse scientifique sur les manifestations physiques de l’existence est dû à la prévalence inconsciente de la religion chrétienne à placer une origine au monde dans le commencement des temps, ce qui impose un écoulement du temps forcément dans un espace, que la science a intégrée par l’adoption d’un big bang cosmologique, validant ainsi la création d’un modèle standard des particules élémentaires. Mais attention, il ne s’agit pas ici de dire que tout cela est faux, seulement d’introduire un ordre de réalité qui puisse réconcilier l’ensemble des savoirs en les dépouillant d’une hétérodoxie qui empêche l’intelligence d’une connaissance, dont la finalité par l’obtention des savoirs réunit l’ensemble des protagonistes qui y participe. Ce nouvel ordre hiérarchique fait de la réalité une connaissance intérieure à soi-même, permettant aux différents savoirs de se conjuguer par un comportement d’harmonie dont la Nature semble être le reflet.
Nous avons déjà été amenés à voir que les conséquences de cette approche sont multiples, mais il nous semble qu’il est significatif que, dans sa portée concrète, cette approche apporte un soutien important à la légitimité de l’existence des comportements énergétiques dont les expériences de physique quantique nous font entrevoir les perspectives pratiques. En outre, l’ensemble des comportements défiant les lois de la physique ordinaire semblent à portée de main, puisque les propriétés physiques de la matière sont issues de la configuration énergétique de la nature de son analyse, ce qui réintroduit l’imagination au pouvoir de la création.
Voila en quoi l’humain est un portail sur la réalité, par les multiples potentialités qu’il recèle et dont l’approche collective en démultiplie les effets. Mais dont la réalisation passe par l’engagement personnel à vouloir connaître cette réalité, ce que chacun peut faire par la compréhension de ce par quoi nous sommes dotés dès la naissance, un libre-arbitre.