Comment bien penser un fonctionnement existentiel

Pour bien penser un fonctionnement existentiel, il faut d’abord accepter qu’il puisse y en avoir un en-dehors de toute subjectivité personnelle. Mais cela ne définit pas en soi ce qu’est un fonctionnement existentiel. Sachant pourtant que pour chacun d’entre nous, le fonctionnement existentiel est responsable de notre présence au monde, celui-ci n’est pas le résultat d’un calcul de l’expérience consciente. Sommes-nous des êtres existants par nous-mêmes ou par nature ? En fait, si nous voulons être exhaustif, par les deux. C’est-à-dire à la fois par nature, car notre réalité individuelle préexiste aux raisons qui nous en font prendre conscience. Et à la fois par nous-mêmes, par la manière dont nous utilisons des conditions personnelles pour établir une conscience de la conscience que notre expérience vivante nous permet d’appréhender et de conceptualiser. Le concept d’humain se constitue avant de pouvoir se vivre en conscience, et ce par l’identité individuelle.

Nous naissons humain en toute inconscience et nous devenons celui-ci par conscience. Ce qui, encore une fois, est la marque d’une conscience consciente d’elle-même, puisque c’est par les corrélations naturelles de ce que nous sommes que les conditions personnelles se font jour par conscience des causes factuelles de l’existence de notre réalité individuelle. Le fonctionnement existentiel n’est donc pas un schéma directeur fonctionnel par lui-même, mais se conçoit à chaque instant d’une expérience de réalité consciente de nous-mêmes. Nous pourrions parler d’une éthique des comportements, mais cela supposerait une adhésion personnelle à un système de valeurs précédemment intégré, ce qui impliquerait une inversion de l’expérience humaine par le fait de penser une expérience avant de la réaliser. Ceci est le schéma classique de l’expérience humaine basée sur les sens, ce qui subodore le conditionnement d’une conscience par une éducation. Or la conscience est le produit d’une réalité existentielle causalement libre de tout conditionnement, puisque c’est par conscience que se dévoile l’autonomie fonctionnelle des comportements. La conscience ne peut donc être à la fois juge et partie, sous peine de n’être ni l’une ni l’autre.

Le fonctionnement existentiel est donc un entre-deux, il est ce par quoi un fait advient à l’esprit. Ce qui ne nous laisse pas d’autre choix que d’en faire l’incarnation d’un présent. C’est ainsi que nous découvrons qu’un fait n’est pas cette entité autonome dont nous percevons ou non l’existence, mais bien une construction cognitive d’un événement contextualisé par la perception d’un observateur. Ce fait n’est un fait que par le niveau d’interaction entre une intelligibilité supposée d’une situation et l’intelligence de l’observateur à s’en faire une idée. Le fait n’est donc en rien tangible, mais relève d’une représentation que chacun peut se faire des éléments constituant une situation vécue. Nous ne pouvons en aucun cas reconstruire une histoire objective au travers d’une accumulation de faits, mais seulement avoir une idée du cheminent d’un esprit à construire une réalité observée. Ce qui dénote l’importance de la mise en situation d’une culture personnelle, face à la capacité discriminante d’un esprit à analyser la participation d’une personne à une situation donnée.

Quel peut donc être le rapport spécifique entre un être humain et un fonctionnement existentiel ? Un niveau de conscience personnelle définie par un fonctionnement humain dont la constitution relève d’une agrégation des faits d’expérience constatés au travers des mises en situation de vie. Lorsque nous parlons d’un homme d’expérience, nous parlons d’un être humain dont le fonctionnement trahi un niveau de conscience personnelle, ce qu’il lui appartient d’exprimer au travers de ses comportements sous la forme d’une intelligence comportementale. Ainsi, une réalité n’est fonctionnelle qu’au travers de la participation personnelle d’une conscience créatrice d’une perception, dont les instruments cognitifs se répartissent les percepts d’un environnement et d’une conscience personnelle, ce qui permet à une faculté de compréhension d’appréhender l’être humain en situation existentielle.

Le temps, partagé entre les deux protagonistes que sont la personne et son environnement, fabrique le présent d’une situation dont l’existence consciente fait le réel de cette situation. Ainsi, dans la réalité seule existe un présent, dont la constitution en futur représente la transformation d’un passé. Ceci permet à une situation commune, donc partagée, d’être incarnée par l’expérience d’une personne qui peut alors être qualifié d’homme de la situation. Ceci est une position existentielle et ne devient réalité que par la conscience personnelle de celle ou de celui qui l’incarne.

Le fonctionnement humain traduit un esprit de compréhension dont la constitution même est d’établir une cohérence dans les faits des diverses présences vécues. La liberté fonctionnelle de l’établissement de cette cohérence est d’ordre psychologique, et tient son espace fonctionnel en lieu et place d’un subconscient, interface d’une inconscience en devenir de conscience. Cela authentifie la transformation de l’expérience individuelle en expérience personnelle. Ce que nous faisons de cette expérience individuelle se réalise en conscience personnelle dont l’objet du savoir est une connaissance de soi-même. Il est toujours difficile de penser que la réification d’un corps physique, comme l’est le corps humain, soit possible car, en vertu des facultés spirituelles de son esprit, un être humain est avant tout un être spirituel. Mais cette confusion est d’avantage la conséquence d’un biais cognitif qui nous fait assimiler notre corps à nous-mêmes, ce qui est malheureusement une confusion installée par une vision par trop biologique de la vie. Bien sûr que l’être humain est un être spirituel, mais encore faut-il comprendre que cette spiritualité soit le résultat d’une faculté de résonance que l’on doit aux seules capacités cognitives d’une intelligence comportementale, qui place l’élément de la preuve dans la prise de conscience.

La connaissance du fonctionnement existentiel est l’antidote à toutes les écoles du mystère. Il n’y a rien de mystérieux dans la vie tant que nous la vivons en conscience. Le mystère est égal au secret de la confession; il n’existe que par le socle érigé d’une hiérarchie qui sépare la vie d’une conscience au nom d’une représentation qui fait office d’autorité. C’est ainsi qu’une vraie tautologie se met en marche, par la confirmation qu’une autorité est toujours nécessaire pour faire respecter une légitimité qui n’est que le résultat d’une usurpation par l’appropriation d’une connaissance, celle qui fait défaut à la délivrance d’une conscience pour autrui. La vie se passe de mystère lorsque le développement d’une conscience personnelle se fait en accord avec une reconnaissance d’un environnement, qui n’est par sa forme que le protagoniste de l’inconscience d’une inconscience native. La seule condition nécessaire est d’accepter que chacun puisse être conscient de ce qu’il est inconsciemment par naissance. Nous voyons ici ou le conflit prend sa source, mais ne peut jamais prétendre être la conséquence d’une absence de liberté, mais seulement de l’existence du seul intérêt à contraindre autrui. Si nous avons la force de rompre le paradoxe existentiel, la culpabilité devient absence de responsabilité et ne doit sa seule existence qu’à l’oppression de l’ignorance d’une légitimité naturelle, celle-ci étant que la vie soit la manifestation d’une causalité libre par conscience.

Alors comment s’engage-t-on dans un fonctionnement existentiel et pourquoi ? Par soucis de vérité, car la vie ne peut être qu’une et indivisible puisqu’elle ne concerne uniquement qu’une conscience personnelle. Mais de quelle vérité parle-t-on ? D’une vérité de soi. Pas le soi des représentations, mais le soi d’une grandeur d’âme dont l’apogée se manifeste par la conscience du tout ce qui est, et dont l’esprit contextualise les rapports sous la forme d’une conscience relative à une seule vie consciente, celle-là même découverte au fil des compréhensions et du temps des prises de conscience.

Entrer dans le fonctionnement existentiel, c’est accepter au départ d’être une chose parmi d’autres choses, pour qu’une conscience personnelle émerge et fasse socle d’un fonctionnement humain par la naissance d’une inconscience involontaire de sa destinée. Non, nous ne sommes pas forcément des êtres mortels, car tout le principe d’une vie est concentrée dans l’asymétrie de sa réalité existentielle. La seule chose dont nous soyons sûr est d’émerger d’une inconscience par le biais d’une éducation qui lie le récit de notre naissance aux outils de notre raison. Si nous modifions l’un, nous modifions l’autre. Ce qui devient impensable pour la réalité de notre naissance comme pour la pertinence de nos outils cognitifs. Alors que faire, si ce n’est accepter que le seul élément de preuve de notre existence soit la prise de conscience, cet acte fondateur de la seule vérité qui fasse réalité de soi-même : le fait de conscience qui rompe la dualité d’une conscience de quelque chose, que l’on doit au fonctionnement de la représentation mentale, pour s’approprier une unité de conscience.

Ce que cela fait de nous est sans commune mesure avec la mythification d’aujourd’hui, qui place le récit collectif aux seuls intérêts des détenteurs du pouvoir, tous cercles confondus. L’être humain est un être libre par naissance, car il émerge d’un fonctionnement existentiel qui ne prend sa mesure consciente que par le fonctionnement humain d’une conscience induite. Et pour cela seul le respect dû à la vie d’un tel fonctionnement peut légitimer toute reconnaissance de l’ensemble des fonctionnements qui font la diversité vitale. Le fonctionnement existentiel se résume dans l’acceptation que tout émerge de tout, car tout procède de tout. Ce qui place l’unité partout où l’individualité se clôt sur elle-même en cédant la place à une conscience libre de toute cause extérieure. Il y a donc bien un début à tout. Et chacun de nous en possède les clés. C’est ainsi qu’une conscience personnelle devient la porte ouverte sur une conscience causale, dont le principe s’établit sur la liberté du verbe, et non de l’expression de celui-ci, ce qui provoque l’avènement d’une conscience par une causalité libre de toute emprise psychique. Alors le fonctionnement humain peut s’incarner, à la mesure d’un développement conscient, en fonctionnement existentiel.

C’est ainsi que nous construisons la réalité commune: par ce que l’on devient ensemble. Et c’est cette posture individuelle qui plonge chacun d’entre nous dans la résolution de la dualité fondamentale, source de l’origine de toutes les formes de biais comportementaux, qui nous offre l’existence des paradoxes en tous genres.